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Dans ce cas, doit-on admettre que l’homme a été l’agent involontaire du transport effectué ? Les mollusques terrestres européens ont-ils été importés inaperçus sur des bois, des marchandises ou des graines ? Les espèces sont trop nombreuses pour qu’une pareille hypothèse soit probable. D’ailleurs, ainsi que le fait très bien remarquer M. Morelet, « comment expliquer que les mêmes causes n’aient pas produit des résultats semblables, c’est-à-dire que l’Europe n’ait reçu des îles Açores, Madères et Canaries aucune espèce de mollusques en échange de ceux qu’elle y aurait introduits ? Les communications ont été réciproques ; on peut même assurer qu’elles furent plus favorables à l’émigration des espèces insulaires qu’à l’importation de celles du continent. »

Godman lui-même reconnaît que l’importation des mollusques et des crustacés terrestres, et probablement celle des myriapodes et des arachnides, sont dues à des causes variées dont l’appréciation est très difficile. Il espère que la connaissance des faits relatifs à la distribution des espèces permettra d’établir approximativement dans l’avenir la raison des traits saillans d’un certain nombre de flores et de faunes. Une semblable déclaration n’est que l’aveu déguisé de l’embarras où se trouve l’éminent naturaliste pour donner une explication qui puisse rendre compte de l’introduction supposée. Considérant l’action des agens de transport connus comme insuffisante, il s’arrête prudemment devant les hypothèses invraisemblables qu’il serait logiquement forcé d’adopter.

Un conchyliologiste français, Petit, appelé à se prononcer dans un cas analogue, se montre plus hardi, et ne craint pas de nier la possibilité de l’existence de mollusques terrestres dans des îles éloignées des continens, en dehors de l’intervention de l’homme. D’après lui, il y aurait eu absence de tout mollusque terrestre dans des îles comme les Açores avant l’arrivée des Européens ; mais, bien qu’aucune relation contemporaine de cet événement ne puisse être opposée à son opinion, tant de faits la contredisent qu’elle ne peut véritablement être soutenue. Et d’abord croit-on que les écrivains de l’époque de la découverte n’eussent pas été surpris de l’absence des mollusques terrestres et ne l’eussent pas signalée, comme ils ont noté celle des mammifères et des reptiles ? Ensuite comment expliquer la station ordinaire de quelques petites espèces qui vivent, quoi qu’en dise Petit, dans les parties les plus sauvages des îles, loin des ports et des lieux fréquentés ? Et les modifications éprouvées par les formes européennes, modifications tellement considérables que l’on hésite souvent dans les déterminations spécifiques, peut-on raisonnablement admettre que quatre siècles à peine auront suffi à les produire, ? Enfin les relations