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commerciales avec le Brésil et avec l’Amérique du Nord sont presque aussi développées qu’avec l’Europe continentale ; d’où vient alors la prédominance des espèces du vieux monde par rapport à celles des deux Amériques ?

Forbes résout autrement la difficulté. Il prend pour point de départ l’hypothèse de l’existence d’une vaste terre ferme qui aurait autrefois réuni les Açores avec Madère et les Canaries en un seul continent attenant à l’Europe. Nous avons déjà dit que cette hypothèse n’offrait rien de contraire aux faits géologiques constatés, à la condition toutefois que l’on suppose une date très ancienne au phénomène, mais nous avons reconnu que rien non plus ne la justifiait. C’est une hypothèse inventée tout exprès pour les besoins de la cause et dénuée d’ailleurs de base solide : c’est déjà un reproche grave à lui adresser ; mais elle soulève encore d’autres objections. Si une communication territoriale avec l’Europe est nécessaire pour expliquer le caractère européen général de la flore et de la faune des Açores, ne devrait-on pas, disent les adversaires de cette théorie, admettre aussi une communication avec l’Amérique pour rendre compte des quelques espèces de ce pays que l’on rencontre dans l’archipel açorien ? A cela, les partisans des idées de Forbes répondent que les espèces américaines trouvées aux Açores sont très exceptionnelles, et que leur présence dans ces îles peut s’expliquer par des importations accidentelles, comme celle qu’invoque Godman pour soutenir sa théorie. Une réplique aussi vague laisse beaucoup à désirer ; acceptons-la néanmoins et passons à une autre objection.

La théorie de Godman expliquait assez bien l’absence de mammifères, de reptiles, de batraciens, de poissons d’eau douce et de mollusques fluviatiles aux Açores par la difficulté de propagation plus grande de ces espèces animales ; on reproche à la théorie de Forbes de ne fournir aucune raison plausible des mêmes faits. Si les Açores ont été à une époque quelconque en communication directe avec l’Europe, on ne voit pas par exemple pourquoi les mammifères européens ne s’y seraient pas répandus. Si la théorie en question est vraie, n’aurait-on pas dû, lors de la découverte de ces îles, y retrouver au moins quelques espèces de mammifères les plus communes de l’Europe ? Les disciples de Forbes ont deux réponses à cette objection. Les uns disent que les Açores ont été jadis hantées par les mammifères, les reptiles et les autres classes d’animaux européens qui y font défaut aujourd’hui, mais que ces espèces ont été anéanties par de violentes éruptions volcaniques. Que doit-on penser de cette réponse ? Non-seulement on peut lui reprocher de n’être que l’expression d’une hypothèse sans fondement,