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venait pour prendre part au tournoi. Il fit mainte prouesse, comme on pouvait l’attendre d’un homme si merveilleusement amené, et, ses exploits ayant enflammé le cœur d’une jeune princesse qui assistait aux joutes, il la demanda en mariage, l’obtint et en eut plusieurs enfans ; mais, de même que ce qui vient au son de la flûte s’en retourne au son du tambour, le chevalier disparut exactement comme il était arrivé, car après plusieurs années d’un heureux ménage, la barque et le cygne s’étant inopinément présentés, le chevalier partit sur-le-champ, et jamais depuis lors on n’apprit de ses nouvelles. Telle est la poétique histoire que racontent ces sculptures avec une naïveté savante, où le radieux badinage de la renaissance enveloppe, sans trop l’étouffer, l’aimable crédulité des âges gothiques.

Il y a tel de ces bas-reliefs qui ressemble à une page d’un hardi poème italien de la fin du XVe siècle, et tel autre qui fait penser à un épisode de quelque innocente légende. Voici par exemple le chevalier seul dans une forêt ; il tient une lance à la main et en touche un écu suspendu à une branche d’arbre. Ce sont sans doute les armes qu’un hasard ami lui a fait rencontrer. Plus loin, il s’avance près d’un château dont les portes s’ouvrent d’elles-mêmes à son approche. Ne dirait-on pas deux aventures de Spenser ou d’Arioste ? Ailleurs le chevalier demande en mariage la princesse ; la jeune fille, assise à terre parmi l’herbe et les fleurs, le regarde amoureusement tout en entourant de son bras une biche apprivoisée ; lui, debout devant le père de la princesse, tient par la bride son destrier de combat. Maintenant c’est une légende d’amour germanique racontée avec la candeur d’un minnesinger, et où se laisse apercevoir ce sentiment de la nature qui n’abandonne jamais le moyen âge allemand. Ailleurs encore, voici les époux recevant la bénédiction nuptiale, et cette fois le bas-relief ressemble, à s’y méprendre, à l’heureuse conclusion d’un conte de Perrault. Tout en haut de l’édifice, dans l’intervalle qui sépare les dernières fenêtres de la corniche du faîte, Hélias est représenté quatre fois avec sa barque et son cygne ; dans les deux premiers bas-reliefs, il arrive et débarque ; dans les deux autres, il s’embarque et s’en retourne. Trois de ces tableaux sculptés sont consacrés, avons-nous dit, à la chasse de saint Hubert, mais ils sont si bien en harmonie avec le reste de l’œuvre qu’on ne s’aperçoit pas tout d’abord qu’ils sont étrangers à l’histoire principale, et que, loin de détruire l’unité de cette illustration sur pierre, ils en complètent au contraire le caractère féodal.

Voilà une toute gracieuse histoire, n’est-il pas vrai ? et cependant, à mesure que j’en examinais et que j’en rapprochais les divers