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tellement indiqué et de si facile exécution, au moins pour ce qui concerne la vue de la Loire, qu’on le trouve en projet dès le temps des Gonzague, dans un vieux plan de Nevers de 1590 ou 1592, qui est conservé dans une des salles de ce même palais ducal. Trois siècles se sont écoulés depuis cette époque, et l’embellissement projeté est encore à exécuter, tant il est vrai que, lorsque les choses ne se font pas en France par coups d’autorité, elles ne se font jamais. Qu’a-t-il manqué pour que cette place reçût son agrandissement légitime ? Tout simplement qu’elle occupât deux minutes l’attention d’un prince connaisseur en choses vraiment belles ; mais, ce hasard heureux ne s’étant pas rencontré, Nevers ne possédera jamais le panorama superbe dont la nature lui fournissait les élémens.

Dans les salles supérieures du palais, on a installé un commencement de musée bien pauvre encore, dont la pièce la plus curieuse, à mon sens, est un portrait de Théodore de Bèze, peint de son vivant ; nous en avons fait mention en parlant de Vézelay. Des Clèves, des Gonzague, des Mancini, pas un souvenir n’est resté, sauf quelques méchantes petites gravures pouvant servir de frontispice à une réimpression de Guy Coquille et représentant les médaillons des Gonzague, plus un portrait gravé du dernier duc de Nivernais, cet aimable Mancini qui fut ambassadeur en Angleterre après la guerre de sept ans, et qui, ruiné par la révolution, demanda noblement le pain de sa vieillesse à la collection des petites fables et des petits vers dont il avait amusé dans des temps heureux les loisirs de sa vie de seigneur. C’est une figure d’une élégance et d’une urbanité accomplies, avec un long et fin profil qui lui donne l’air d’un oiseau de luxe ; un certain cachet de faiblesse dénonce l’état maladif qu’il garda toute sa vie et qui le conduisit jusqu’à une vieillesse avancée, mais aussi peu morose que si la souffrance et la ruine n’avaient pas été ses compagnes. Parmi les salles de ce musée, il en est une cependant qui possède un intérêt particulier pour les amateurs de l’art céramique, celle où ont été rassemblés les divers produits de la fabrique de Nevers pendant les trois derniers siècles. Les faïences à l’imitation des majoliques italiennes du XVIe siècle y abondent, ce qui n’a pas lieu de surprendre, puisque la fabrique de Nevers fut fondée sous les Gonzague par des ouvriers italiens appelés d’Urbin même, l’atelier céramique par excellence ; ce sont les plus belles, tant pour la forme que pour la décoration. Après cette période d’initiation, Nevers, marchant dans sa liberté, déploya pendant quelque temps une certaine originalité ; c’est à cette seconde époque que se rapportent un certain nombre de vases et de plats à peintures bleues sur fond