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critiques de l’histoire, tant de choses sérieuses avec une légèreté qu’on ne peut s’expliquer. » — La conversation s’engage entre lui et un homme vêtu avec une simplicité recherchée, la poitrine ornée du ruban blanc et orange et de la plaque de l’aigle rouge de Prusse, — dans aucun de ces portraits, on ne nous fait grâce de la moindre décoration. C’est M. de Werther, ambassadeur de Prusse.

— Enfin, monsieur le duc, dit-il en français, je trouve l’occasion de vous souhaiter le bonsoir. Comment est Mme la duchesse ? Je ne l’aperçois pas.

— Un peu enrhumée, réplique l’ambassadeur, et Mme de Werther ? Elle aussi apparemment est victime de la grippe.

— Oui, monsieur, elle est souffrante, et je ne serais pas venu, si ce n’était mon devoir de recueillir des nouvelles.

— Avez-vous réussi ? demande le duc.

— Pas encore. Le comte de Mensdorf est chez l’empereur, m’a dit la comtesse. Vous savez sans doute que la situation se tend de plus en plus ?

— Je regrette qu’il en soit ainsi, dit M. de Gramont ; des prétentions opposées ne peuvent que provoquer la guerre, et je ne la désire nullement pour ma part.

— Vous savez que nous ne cherchons pas la guerre ; cependant pouvons-nous l’éviter au prix de notre honneur et de notre rang de puissance ? Nous le conseilleriez-vous ?

— Ces événemens sont éloignés, répond le duc, et nous ne sommes que spectateurs. D’ailleurs, ajoute-t-il avec un sourire gracieux, on nous observe, et on pourrait tirer des conséquences de cet innocent entretien.

— Vous avez raison, reprend M. de Werther, évitons les regards curieux. — Il quitte le duc en murmurant : — Il ne sait rien, — pour aller chercher d’autres nouvelles auprès du général hanovrien de Knesebeck, qui répond avec une réserve de mauvais augure, en se bornant à exprimer ses vœux pour que la sécurité de la confédération allemande, l’union entre la Prusse et l’Autriche, ne soit pas compromise.

Tandis que la comtesse de Mensdorf met tout son art à faire régner autour d’elle, en dépit des menaces de l’horizon politique, le plaisir et la gaîté, le comte s’efforce d’amener son souverain à la conciliation. Il est résolu, assure-t-on, dans le cas où il échouerait, à quitter le ministère, ne voulant pas prendre la responsabilité d’une rupture ; mais l’orgueil de la maison de Habsbourg regimbé contre les conseils, et M. de Mensdorf n’est pas à la hauteur de la situation. « Il a le type français, » — n’est-ce pas dire d’un mot sa faiblesse ? Voici en quels termes il annonce au secrétaire d’état baron de Meysenbug l’issue de son débat avec l’empereur. — J’ai fait