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obscures, dans les froissemens et les conflits à propos de tout, à l’occasion d’une question de discipline parlementaire, d’une mesure d’ordre public ou de l’organisation de la municipalité lyonnaise. On se fait un jeu des crises, des confusions, des incidens, des luttes d’influences où tous les pouvoirs finissent par laisser quelque chose de leur autorité et de leur crédit. L’assemblée elle-même, l’assemblée surtout, se laisse gagner par cet esprit d’énervante agitation, et sans la moindre irrévérence on serait tenté vraiment de considérer les vacances parlementaires qui viennent de commencer comme un soulagement pour le pays, comme un temps de repos favorable et bienvenu, si les élections partielles qui vont se faire dans l’intervalle n’étaient à leur tour une arène rouverte à ces mêmes passions qui s’agitaient hier encore à Versailles.

La situation où nous vivons n’est point facile assurément, elle est pleine d’obscurités que les dernières discussions de l’assemblée n’ont pas malheureusement éclaircies, et que les élections prochaines n’éclairciront pas beaucoup mieux sans doute. En définitive, pour tous ceux qui ne veulent pas s’asservir aux passions, aux préventions ou aux mobilités de tous les jours, il y a un but très clair et une manière assez simple de juger les affaires publiques. Le but nécessaire, évident et supérieur est l’affermissement de ce qui existe, parce que la paix intérieure est à ce prix, parce que ce régime, si vague et si indéfini qu’il soit, est encore le seul possible, le seul qui puisse préserver de nouveaux hasards le pays, à peine remis de ses dernières commotions. La manière de juger les questions ou les incidens qui se succèdent, c’est de voir dans quelle mesure ils servent à cet affermissement, à cette régularisation d’un régime dont la raison d’être n’est point épuisée, même après le traité qui met fin à l’occupation étrangère. Il ne s’agit point aujourd’hui de disputer indéfiniment et à propos de tout sur la république et sur la monarchie, de prolonger cette sorte de compétition bruyante de systèmes de gouvernement qui s’évertuent à se prouver les uns aux autres qu’ils sont également impossibles. La vraie et seule politique consiste à rester dans la réalité des choses, à organiser ce qu’on a du mieux qu’on le peut, à préparer pour le pays, avec les élémens dont on dispose, les moyens de garder la paix intérieure après que le départ de l’armée allemande aura mis le dernier sceau à la paix extérieure. Le malheur des partis qui s’agitent dans l’assemblée ou hors de l’assemblée, de la droite et de la gauche, des légitimistes ou des radicaux, et même parfois de quelques autres, c’est de ne pas s’arrêter à ces conditions premières toutes pratiques, de ne voir dans toutes les questions que ce qui les sert ou les flatte, d’appeler dédaigneusement un expédient ce qui ne répond pas à leurs passions ou à leurs vues exclusives, et, sous prétexte d’en finir avec une équivoque qu’ils créent ou qu’ils aggravent eux-mêmes le plus souvent, de se jeter à la recherche de l’impossible. S’il y a des momens où ils sont obligés