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moyens de domination. Ce n’est point un fait nouveau, dit-on, c’est l’éternelle histoire de la politique et des partis, on n’y peut rien changer. Ce n’est pas un fait nouveau, si l’on veut ; mais ce fait, tout en étant vieux comme le monde, prend un caractère plus dramatique aujourd’hui et devient plus choquant. Qu’on prenne pour exemple cette loi sur l’organisation municipale de la ville de Lyon, récemment discutée et votée par l’assemblée. La lutte a été sérieuse, instructive et des plus animées, même à part l’incident où a disparu la présidence de M. Grévy. La mairie centrale de Lyon est devenue l’occasion d’une véritable bataille. Eh bien ! qu’on parle franchement : ce qui a tout compliqué, c’est que l’esprit de parti s’en est mêlé pour mettre ses passions, ses préoccupations, dans ce qui devait rester avant tout une affaire de bonne organisation administrative, et tout le monde a eu sa part dans cette confusion. Évidemment en effet, si la municipalité lyonnaise n’eût pas été une forteresse du radicalisme, si elle avait été au pouvoir des conservateurs, la majorité de l’assemblée ne se serait pas montrée si impatiente de la réformer. Elle en serait restée peut-être à ces beaux rêves d’indépendance locale et de décentralisation qu’elle nourrissait il y a deux ans à peine, au mois d’avril 1871, lorsque M. Thiers était obligé de la menacer, pour la première fois, de sa démission, si on ne laissait pas au moins au gouvernement le droit de nommer les maires dans les villes d’une certaine importance. D’un autre côté, la gauche ne se serait point à coup sûr portée si passionnément au combat, si Lyon n’avait pas été une ville républicaine, si le maire avait été royaliste ou clérical, de sorte que, sans être précisément oublié, l’intérêt lyonnais n’a été en définitive que le prétexte d’une lutte nouvelle entre radicaux ou républicains et conservateurs.

Au fond, l’affaire était des plus simples. Il s’agissait de ramener l’ordre et la régularité dans une administration locale où se sont accumulées les incohérences révolutionnaires depuis près de trois ans, où se sont perpétuées les habitudes de résistance à la loi transmises par tous ces pouvoirs de hasard qui se sont succédé sous le nom de comité de salut public ou de commune. Oui, en vérité, il s’agissait de rompre avec ce passé. Le gouvernement pouvait d’autant moins reculer qu’il était exposé à se trouver d’un moment à l’autre en présence d’un renouvellement forcé du conseil municipal, et il a proposé un ensemble de mesures fort modestes dont la principale consistait à remplacer dans les élections locales le scrutin de liste par un sectionnement électoral comme à Paris. La commission de l’assemblée a voulu compléter le projet du gouvernement en proposant la suppression de la mairie centrale, à laquelle on substitue un certain nombre d’arrondissemens, — toujours comme à Paris, — et en somme c’est tout : voilà l’œuvre ténébreuse de réaction dénoncée par les radicaux ! Cette réforme ainsi faite répond-elle à un intérêt véritable en respectant les droits de Lyon ? Atteindra-t-elle