Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/989

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le but qu’on se propose ? C’est là toute la question, l’unique question, et elle a été exposée par M. Béranger avec une saisissante évidence, avec une netteté décisive. Qu’on discute sur l’efficacité ou l’opportunité de la mesure, soit encore ; mais c’est évidemment la plus singulière exagération de prétendre, comme l’ont dit les orateurs de la gauche, que la loi nouvelle abolit les franchises municipales, qu’elle met Lyon hors du droit commun. Est-ce qu’on touche à la représentation locale ? Est-ce porter atteinte aux franchises municipales ? est-ce placer une ville hors du droit commun que de supprimer un pouvoir exorbitant et de créer six mairies au lieu d’une ? Ce qui est au contraire exceptionnel et anormal, c’est l’existence de cette mairie centrale se constituant l’organe d’une population de trois cent mille âmes, s’érigeant en antagoniste de l’autorité supérieure de l’état, et il y a là plus qu’un intérêt de localité, il y a un intérêt souverain d’unité nationale. Veut-on en effet que sous ce voile des franchises municipales il y ait en France des cités indépendantes, formant autant de communes ou de petites républiques italiennes du moyen âge, et toujours prêtes à renouveler des ligues du midi, comme on l’a essayé pendant la dernière guerre ?

Voilà le danger ; mais il y a une chose bien plus curieuse que M. Béranger a mise en pleine lumière, c’est que cette mairie centrale, qu’on représente comme une institution de droit commun, n’a par le fait aucune existence légale. Elle est le produit aussi spontané qu’irrégulier de la révolution de 1870. Jusque-là il n’y avait rien de semblable à Lyon, ou du moins ce qu’on appelait la mairie centrale ne s’étendait qu’à une partie de la ville, tandis que les autres quartiers, rattachés à l’agglomération lyonnaise, restaient indépendant gardaient leurs municipalités distinctes. Ces municipalités, les seules légitimes, ont disparu, la mairie irrégulière est seule restée, et il en résulte ce fait étrange, que depuis trois ans aucun acte de l’état civil n’a réellement une valeur légale, si bien que la loi nouvelle est obligée d’y pourvoir, Mettre fin à toutes ces anomalies, à toutes ces incohérences, rendre à Lyon ses mairies distinctes sans lui enlever l’unité de son conseil municipal, c’était donc une évidente nécessité. On ne soumet pas une grande ville à un régime exceptionnel, on la replace dans le droit commun ; on supprime tout au plus une institution de privilège révolutionnaire, et sous ce rapport la loi nouvelle, dégagée de toutes les interprétations passionnées des partis, reste une œuvre de libéralisme prévoyant et d’ordre pour l’état comme pour la ville de Lyon elle-même. Voilà cependant une des armes dont les radicaux s’apprêtent à se servir dans les élections prochaines contre l’assemblée et contre le gouvernement lui-même. On dirait que leur république à eux se compose d’une éternelle et monotone protestation contre tout ce qui ressemble à un ordre régulier et légal.

L’assemblée n’est peut-être pas très populaire dans les grandes villes,