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Tel qu’il apparaissait, ce gouvernement, si maltraité depuis, si peu contesté à sa naissance même par ceux qu’il remplaçait, ce gouvernement avait certes raison de dire dans sa première proclamation qu’il était « non au pouvoir, mais au péril. » Lorsqu’il disait qu’il voulait être « non le gouvernement d’un parti, mais le gouvernement de la défense nationale, » il pensait ce qu’il disait, et il aurait dû s’en tenir invariablement à cette inspiration supérieure faite pour rallier toutes les volontés. Malheureusement il subissait ce que j’appellerai une fatalité d’origine et de tendances. Il était ce que pouvait être un gouvernement où se mêlaient et se neutralisaient tous ces hommes, — M. Picard montrant dès le premier jour une prudence avisée, s’efforçant de contenir le mouvement, — M. Jules Favre, plus sensible au côté moral des événemens qu’aux nécessités pratiques des choses, représentant la diplomatie de l’émotion patriotique, — le général Trochu, homme d’instinct conservateur et de règle, Breton de caractère, catholique de foi, — M. Gambetta, préoccupé de mettre partout le sceau de la république, nommant des maires et des préfets de parti, croyant aux forces irrégulières, aux moyens révolutionnaires. Uni par le patriotisme, divisé par la politique, ce conseil de l’Hôtel de Ville se trouvait dans la condition d’un pouvoir novice, incohérent, placé en face de l’inconnu, et à chaque instant obligé de payer, par des fautes qu’il ne pouvait pas toujours éviter, la rançon de ses propres faiblesses, bien souvent aussi la rançon d’une situation violente dont il avait hérité.

Je vais droit aux deux ou trois questions essentielles, caractéristiques, sur lesquelles on avait à prendre un parti sans plus attendre. Pourquoi le gouvernement restait-il à Paris ? Assurément c’était une faute grave de s’enfermer dans une place de guerre à l’approche de l’ennemi, à la veille d’un blocus dont on ne pouvait