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colonne de juillet, il s’en échappa quelques milliers de rats qui y avaient élu domicile.

Les fontaines laissées à la libre disposition du public, qui peut pour ses besoins y puiser gratuitement à toute heure, sont assez rares à Paris : je n’en compte que 208, — 38 dans l’ancienne ville et 170 dans la zone annexée ; c’est peu. Toutes sont disposées sur le même modèle : ce sont des bornes-fontaines munies d’un robinet à repoussoir, c’est-à-dire d’un robinet qui se referme de lui-même dès que l’on cesse de tourner le bouton. On empêche ainsi l’eau de couler inutilement et d’aller se perdre à l’égout, précaution indispensable avec l’insouciante population parisienne. Pour laver les rues, jeter dans les ruisseaux un volume d’eau capable d’entraîner les ordures qui les encombrent ou la fange qui les empeste, il faut des fontaines nombreuses, multipliées le long des trottoirs et dont la libre disposition appartienne aux cantonniers chargés de faire chaque matin la toilette de Paris. Autrefois ces bouches d’écoulement étaient toutes des bornes-fontaines qui pendant un temps déterminé coulaient à gros bouillons. Elles étaient dressées sur la marge des trottoirs : il est vrai qu’elles éclaboussaient les passans, et qu’elles encombraient la voie publique ; presque partout on les a supprimées, — il n’en reste plus que 725, — et on les a remplacées par des bouches de lavage qui sont aujourd’hui au nombre de 4,593. Une plaque en tôle couvre l’orifice, où apparaît la tête d’un robinet dont le cantonnier a la clé : il ouvre ; l’eau s’écoule, de niveau avec le pavé qu’elle baigne, dans le ruisseau qu’elle purifie ; elle est donc immédiatement souillée. Ce système a évidemment des avantages ; mais je trouve que la borne-fontaine est bien plus généreuse, je dirai bien plus humaine. L’eau en tombait d’une certaine hauteur et gardait toute sa pureté tant qu’elle n’avait pas touché le sol ; les femmes du voisinage venaient avec la marmite, avec la carafe, et avaient là sans bourse délier, l’eau quotidienne, qui est aussi nécessaire que le pain quotidien ; les enfans y buvaient, et plus d’un ouvrier altéré y a trempé ses lèvres. Il n’en est plus ainsi à cette heure : l’eau s’élance de la bouche de lavage pour s’en aller à la bouche de l’égout par un chemin fort sale. Que de fois je me suis arrêté pour regarder de pauvres femmes, trop dénuées pour payer la « voie » d’eau, trop occupées à garder la marmaille pour courir jusqu’à la borne à repoussoir, attendre que le ruisseau ait perdu ses impuretés les plus apparentes et se précipiter alors avec une casserole pour ramasser la provision d’eau dont elles avaient besoin ! Ce spectecle est pénible, et, dussent les bienfaisantes bornes-fontaines d’autrefois obstruer un peu les trottoirs et causer quelques embarras aux piétons, je voudrais les voir rétablir. La ville