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n’en vendra pas un seau d’eau de moins, et elle aura rendu un sérieux service à la population indigente.

Il ne suffit pas de balayer nos rues et de les « laver à grande eau, » il est indispensable par ce temps de macadam d’arroser nos promenades, nos quais, nos boulevards et d’abattre la poussière qui s’y forme incessamment sous le pied des passans et des chevaux ; il existe pour ce seul objet deux systèmes de bouches d’eau qui, tout en concourant au même but, n’ont rien de commun entre eux. Il y a 2,818 bouches d’arrosement à la lance ; la disposition en est semblable à celle des bouches de lavage, mais elles sont munies d’un pas de vis pouvant s’adapter à un long tuyau que le cantonnier promène çà et là pour diriger où il convient le jet qui s’en échappe ; cela ressemble à un serpent monté sur roulettes. Il y a en outre 100 bouches d’arrosement au tonneau qui permettent de remplir l’énorme tonne placée sur un chariot traîné par un cheval, et qui laisse couler l’eau à travers une grille longitudinale percée de petits trous. C’est le vaste arrosoir portatif que l’on conduit dans nos grandes voies de communication, qui mouille indifféremment le terrain, les promeneurs, et dont on ne saurait se garer avec trop de soin. Ce n’est pas tout : il faut penser aux fiacres, à ces pauvres chevaux que l’on surmène, qui font un métier de damné, et qui bien souvent arrivent à « la place » haletans et mourans de soif ; 155 fontaines sont spécialement destinées aux stations de voitures, et les chevaux peuvent se désaltérer à leur aise pendant que les cochers s’abreuvent chez le marchand de vin.

En Orient, lorsqu’un homme veut plaire à Dieu, il fait construire une fontaine, y attache un gobelet par une chaînette de fer et la voue aux voyageurs, à l’inconnu qui passe et qui a soif. Un étranger bienfaisant qui habite Paris a fait cadeau à sa ville d’adoption de 50 fontaines, dont 40 isolées sont déjà en service, et dont 10, qui doivent être appliquées contre les murailles, ne sont pas encore posées. Il a offert le monument en fonte, qui est uniforme, et rappelle, quoi qu’il soit composé de quatre personnages, le groupe des trois Grâces que Germain Pilon avait sculptées pour porter : l’urne où devait reposer à toujours le cœur de Henri II, et qui sont le portrait de Catherine de Médicis, de la marquise d’Etampes et de Mme de Villeroi. La ville fournit l’eau et le filtre placé au bas de la fontaine, afin que le jet arrive toujours pur. C’est là une idée très charitable et ingénieuse. L’appareil est assez élégant pour ne pas déparer nos rues, et le passant altéré peut sans peine boire un bon coup d’eau fraîche. Chacune de ces quarante fontaines est munie de chaînettes auxquelles des vases en fer sont attachés. Veut-on savoir combien on a déjà volé de gobelets ? — Soixante-trois.