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encore à Paris environ 30,000 puits particuliers qui ne servent plus à grand usage. Pendant le siège, comme on craignait de manquer d’eau, on en remit à peu près 20,000 en bon état ; les autres n’ont même pas été visités. Placés presque toujours à une profondeur et dans un voisinage compromettans, ils ne fournissent en général qu’une eau mauvaise et fréquemment souillée. Ils étaient fort nombreux jadis, et ont dû être dans bien des quartiers une ressource importante, sinon unique. Dans les Cris de Paris, « achevé d’imprimer le cinquième jour de may mil cinq cens et quarante cinq, » on trouve la preuve que les puisatiers parcouraient les rues en offrant leurs services à haute voix :

A curer le puys,
C’est peu de practique ;
La gaigne est petite,
Plus gaigner ne puis.


Ces puits subsistent aujourd’hui, c’est tout ce que l’on en peut dire ; ils ne tarderont pas sans doute à être remplacés par des fontaines dont le tuyau ira se brancher sur les larges conduites où coulent la Seine, l’Ourcq, la Dhuis, et ils disparaîtront sans même laisser le souvenir légendaire qui a survécu à nos anciens puits publics, que tant d’ordonnances royales, d’arrêtés de la prévôté, recommandaient de ne jamais laisser découverts. Quelques rues ont conservé le nom de ceux-ci, quoique le plus célèbre d’entre eux, le Puits d’Amour, qui était situé non loin des halles, dans la rue de la Truanderie, ait été tari, comblé, rasé, sans laisser trace. Il n’en est point ainsi de ce puits à écho dont le sobriquet a été donné à la rue du Puits-qui-Parle, ni du puits que le tanneur Adam l’Hermite avait fait creuser dans le quartier Saint-Victor ; nous avons connu, les mes du Puits-Mauconseil, du Puits-de-Fer, du Puits-du-Chapitre, du Puits-Certain, du Bon-Puits, et enfin la rue du Puits, qui, après avoir été la rue du Bout-du-Monde, est devenue l’impasse Saint-Claude-Montmartre. Les fontaines marchandes, les fontaines à la sangle, les porteurs d’eau, iront rejoindre les puits publics, et nos enfans, qui auront de l’eau avec facilité aux derniers étages des maisons les plus élevées de Paris, s’étonneront que nous ayons conservé si longtemps ces moyens primitifs de pourvoir à l’un des plus impérieux besoins de l’homme.

On prend à la ville beaucoup plus d’eau qu’elle n’en vend, mais elle n’y regarde pas de trop près, et fait bien ; la proportion dépasse cependant quelque peu ce que les marchands appellent « la bonne mesure. » Les abonnés à l’eau de l’Ourcq par exemple paient pour 36,822 mètres cubes quotidiens ; mais, comme ils consomment à