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pays, une influence puissante, une action décisive. Pour n’être pas de tout point régulières et codifiées, elles n’en ont pas moins dans les traditions, dans la coutume, une sorte de règle, une espèce de charte indéfinie. Pour n’être pas périodiques enfin, elles n’en sont pas moins fréquentes, elles n’en forment pas moins une chaîne dont les divers anneaux sont reliés les uns avec les autres par la suite des idées et la persistance des réclamations.

Remontons à ce XVIe siècle, singulier assemblage de tant d’abaissemens et de tant de grandeurs ; arrêtons-nous à ce moyen âge, naguère encore dédaigné comme une époque d’obscurité, de servitude, presque de barbarie : nous voyons se détacher de l’ensemble du tableau non pas une, mais vingt dates illustrées par la réunion des états-généraux. Ce sont comme des points lumineux dans notre histoire : ils apparaissent au début du XIVe siècle, projettent sur le XVe et le XVIe des lueurs parfois incertaines, souvent vives et saisissantes, et s’éteignent enfin au commencement du XVIIe pour ne se rallumer que près de deux cents ans plus tard, mais alors comme un grand incendie qui longtemps a couvé sous les cendres.

Ils apparaissent, avons-nous dit, au début même du XIVe siècle. Ce n’est pas en effet de 1355 que date leur premier éclat. Sans nous attacher à l’étude de ces cours féodales chez lesquelles seules subsiste au Xe siècle le principe de la délibération en commun, et chez lesquelles aussi s’établit ce vote de l’aide féodale, qui sera pour les états le libre vote de l’impôt, — sans nous arrêter non plus à ces assemblées où le bon roi Louis IX réunissait autour de lui les prélats, les barons et les gens des bonnes villes, cherchons tout de suite la première réunion solennelle des trois ordres où se manifestent les caractères de véritables états-généraux. Dès 1302, nous la rencontrons. « Par un étrange contraste, dit M. Picot, ce fut le souverain engagé le plus hardiment dans la voie du despotisme qui réunit le premier les états-généraux. » C’est que ce souverain si absolu, si despotique, se défendait contre les empiétemens d’un pouvoir plus absolu, plus despotique encore. Philippe le Bel sentait que pour soutenir la lutte contre la papauté ce n’était pas trop d’appuyer l’autorité royale sur le concours moral et matériel du pays tout entier. Il reconnaissait ainsi, non pas la souveraineté du peuple, — ni le mot ni la chose n’étaient alors connus, — mais tout au moins le droit de la nation à se mêler de ses propres destinées.

L’épreuve fut à la fois bien accueillie des sujets et favorable au monarque ; aussi de 1302 à 1355 la voyons-nous maintes fois renouvelée. S’agit-il en 1314 d’obtenir du pays une aide pour la