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furent renvoyées à une même commission. Le rapport fut déposé très promptement ; cependant il fallut de toute nécessité mettre entre la première et seconde lecture des réformes constitutionnelles un délai de vingt et un jours, d’après les règles mêmes fixées par la constitution pour tout débat qui a pour objet de la modifier. Une fois le délai légal passé, la discussion a été militairement conduite. La chambre des députés a voté les réformes constitutionnelles dans le cours du mois de février et les quatre lois en quelques séances du mois de mars. La majorité a pensé qu’elle s’était suffisamment expliquée dans la discussion générale ; aussi a-t-elle laissé passer dédaigneusement les discours et les amendemens du centre, se contentant de quelques mots brefs et hautains. M. Virchow a pourtant saisi cette occasion pour développer de nouveau sa thèse contre tout droit d’association. Il ne veut qu’une poussière d’individualités isolées que l’état pourra pétrir à son gré selon le type d’une culture de plus en plus irréligieuse. Quant aux représentans de l’état, ministres et conseillers, leur argumentation était fort simple et pouvait se résumer ainsi : quia nominor leo. Le seul incident digne de remarque est la protestation très modérée du conseil supérieur de l’église évangélique protestante, qui a élevé une plainte timide contre le pouvoir disciplinaire que s’attribue l’état dans la législation nouvelle. Il a obtenu un adoucissement insignifiant du texte primitif ; seulement cette intervention a failli lui coûter cher, car la chambre, appelée à discuter l’article du budget qui le concerne, a été sur le point de le supprimer pour lui apprendre à garder le rôle subordonné qui convient à un corps ecclésiastique prussien ; il n’a été sauvé que par un discours du ministre des cultes. La chambre des seigneurs a eu l’honneur d’une intervention personnelle de M. de Bismarck dans le débat sur la réforme constitutionnelle qui s’est engagé devant elle le 10 mars. Ce n’est pas que les orateurs du côté droit fussent bien redoutables ; ils ont répété en l’affaiblissant la protestation des catholiques de la chambre des députés. Le discours du chancelier est l’un des plus caractéristiques qu’il ait prononcés. Il a reconnu que les lois proposées et le changement constitutionnel qu’elles nécessitent n’ont d’autre but que de faire face à une situation aggravée. Les garanties constitutionnelles avaient été formulées dans un temps où l’on n’avait rien à redouter de l’église catholique, où elle prêtait un appui sincère au gouvernement ; elle ne doit s’en prendre qu’à son esprit d’opposition manifesté dans les dernières élections, si aujourd’hui le pouvoir supprime ces garanties. Cette argumentation est étrange, il en faut convenir ; elle fait dépendre la sanction du droit le plus sacré du revirement de la politique, M. de Bismarck semble dire à l’église :