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aussi la coutume africaine de la circoncision en tant que rite individuel. C’est pour cela que le temple de Jérusalem, construit par des Phéniciens, offrait de nombreuses ressemblances avec les sanctuaires égyptiens. Comme les anciens Israélites et les Cananéens, les Phéniciens aimaient à consacrer à la Divinité une pierre sainte, un bétyle ; plus tard on y grava des inscriptions. On a trouvé à Marseille une table de pierre énumérant les divers sacrifices en usage. Il est à noter qu’on n’y voit aucune mention de sacrifices humains ; mais les taureaux, les veaux, les boucs, les agneaux, les cerfs, les oiseaux de divers noms figurent sur la liste. Comme en Israël, les Phéniciens offraient à la Divinité des fruits, les prémices de la moisson, des gâteaux, du lait, de la crème. Un tarif rigoureux fixait la redevance qu’il fallait payer au prêtre pour chaque genre de sacrifice. L’offrande sacerdotale d’un taureau coûtait dix sicles, celle d’un veau cinq, et ainsi de suite[1]. La taxe différait selon que le sacrifice était obligatoire ou volontaire. Le prêtre qui exigeait plus que le tarif établi devait payer une amende. En revanche, celui qui refusait de payer la taxe fixée était menacé de la confiscation. Il faut ajouter que les pauvres étaient exemptés de tout droit quand ils apportaient leurs modestes offrandes.

Les Phéniciens ressemblaient encore aux Israélites par l’habitude fréquente, de former des noms propres avec des noms de dieux. Bien des noms phéniciens ont leur pendant exact dans l’Ancien-Testament. Hannibal signifie « la grâce de Baal » ou « du Seigneur. » On est donc amené à se demander pourquoi la religion phénicienne fut incapable de suivre celle d’Israël dans son essor vers le monothéisme et le spiritualisme. Les deux grands obstacles doivent être provenus de leur constitution politique et de leur génie commercial.

Comme chez tant d’autres peuples sémites, la royauté et le sacerdoce étaient en Phénicie choses distinctes ; mais cette distinction ne fut pas toujours très claire. Ainsi, dans Tyr insulaire, le prêtre principal de Baal-Melkart était, de par son titre même, suffète ou juge ; il portait la pourpre noyais. Les prêtres des rangs supérieurs étaient de sang princier. Souvent les rois, de gré ou de force, les appelaient à partager le pouvoir, et toujours ils exerçaient une influence prépondérante sur les affaires politiques. Si le roi était mineur, le grand-prêtre était régent, et partout, après la personne royale, il jouissait de la préséance. Autant qu’on peut le deviner en scrutant ces obscures annales, il y eut des momens de révolte contre cette quasi-théocratie, et la fondation de Carthage (ville

  1. En supposant que le sicle phénicien fût de même valeur -que le sicle Israélite, ce qui est fort probable, il contenait un poids d’argent dont la valeur serait aujourd’hui un peu supérieure à 3 francs. Comp. Winer, Realwœrterbuch, art. Setel.