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De ces entrevues de Vienne ou de Pétersbourg, il ne peut donc sortir rien de bien sérieux, surtout rien de précis. Tout ce qui a pu arriver, tout ce qui peut arriver encore, c’est qu’il y ait quelques entretiens où l’on se promette de reprendre la conversation, d’échanger les idées selon les événemens, et, si peu que ce soit, c’est encore trop pour les intérêts de notre pays que le radicalisme français fournisse un prétexte à ces tentatives renaissantes d’intimité. En attendant, les plaisirs auront sans doute autant et plus de place que la politique dans cette exposition que l’Autriche célèbre sincèrement comme une fête de la paix, avec la confiance qu’elle n’aura point un lendemain semblable à celui qu’a eu la dernière exposition française.

L’Italie nouvelle existe depuis près de quinze ans déjà Dans cette période à la fois si longue et si courte, elle a eu toutes les difficultés intérieures ou extérieures à surmonter, des passions à soumettre, des méfiances à désarmer, une multitude de problèmes à résoudre, à commencer par le premier et le plus grave de tous, celui de la coexistence du pape et du roi à Rome. L’Italie n’a point certes réussi dans ces quinze ans à venir à bout de tout, et elle en est encore à se débattre contre bien des embarras. Elle est cependant arrivée à ce point où elle est non-seulement une nation reconnue, mais une puissance qui a sa politique, ses traditions, ses alliances, son poids dans les affaires du monde ; elle est entrée pour ainsi dire dans l’engrenage européen. Elle n’est que depuis trois ans à Rome, ayant son roi au Quirinal, à côté du pape, qui est au Vatican, et on a déjà de la peine à imaginer tout ce qu’il faudrait d’événemens pour l’en faire sortir. Comment l’Italie en est-elle venue là ? Ce n’est point à coup sûr en se livrant à tous les emportemens de partis, en se jetant tête baissée dans les crises sans issue, en mettant perpétuellement en question ses intérêts les plus essentiels, jusqu’à son existence. Elle accorde une liberté illimitée aux fantaisies les plus excentriques, aux programmes les plus radicaux, en se réservant de ne pas les suivre. Garibaldi lui-même, elle jurerait que Garibaldi est le premier héros du monde, elle le mettrait dans une niche, et elle laisse passer avec un sourire fort sceptique les lettres du vieux bonhomme de Caprera. L’Italie est arrivée à fixer et à consolider les résultats de sa révolution par le sens pratique, par le dédain des utopies, par une certaine suite de politique modérée comme aussi par l’habileté à se plier aux circonstances ou à saisir les occasions. En un mot, cette nation d’hier, dans ses mœurs parlementaires et constitutionnelles, se rapproche déjà beaucoup plus de l’Angleterre que de la France. Ces Italiens qu’on dit si révolutionnaires, et qui ont été forcés de l’être un instant pour constituer leur nationalité, savent en définitive pratiquer le régime le plus libre en se gardant de tous les partis extrêmes. Ils se sauvent de leurs propres faiblesses ou de leurs propres entraînemens par le bon sens le plus avisé, par un esprit politique qui se