renverser le gouvernement provisoire. » Colocotroni n’avait pas poussé la violence jusque-là mais il refusait d’admettre l’assemblée législative dans Nauplie. Il se réservait la possession de cette forteresse, comme Odysseus affichait la prétention de garder l’Acropole d’Athènes. Chaque faction voulait avoir sa place forte. Les Moréotes, les Rouméliotes, les Albanais, les Phanariotes, les Maniotes et les insulaires se disputaient avec acharnement le pouvoir. Il nous est bien facile de railler ces dissensions intestines. Ce qui eût été selon moi merveilleux, c’est qu’un pays de tout temps divisé, soustrait depuis quelques jours à peine à la domination turque, eût pu échapper à des épreuves que le ciel n’épargne même pas aux peuples dont l’unité nationale est faite depuis des siècles, La guerre civile devait naître forcément pour la Grèce de prétentions rivales ; elle pourrait ruiner son crédit, ensanglanter son sol, elle n’aurait point la vertu de la désagréger.
La catastrophe de Chio avait porté un coup funeste à la considération du gouvernement de Corinthe. En 1823, le bey du Magne, Petro Mavromichali, remplaça Mavrocordato à la tête du pouvoir exécutif. Mavrocordato, Petro-Bey, Colocotroni, Odysseus, tels sont les personnages qu’on vit entrer en lutte à cette époque. Les sympathies françaises se sont longtemps rangées du côté de cette race vaillante des Mavromichalis qui paya si largement de son sang le triomphe de la liberté hellénique. La faveur de Capo d’Istria rattacha la famille des Colocotronis à la politique russe ; le parti anglais soutint de son influence Mavrocordato et les Hydriotes ; mais quel intérêt rétrospectif offriraient aujourd’hui ces tristes épisodes ? Encouragées et entretenues par des intrigues étrangères, les querelles intérieures des petits peuples ne méritent pas d’occuper une place dans l’histoire ; tout au plus pourrait-on leur en assigner une dans les archives des chancelleries.
II
La campagne de 1823 fut surtout une campagne maritime. La Porte avait à cœur de reprendre sur les Grecs l’ascendant qu’elle avait perdu, moins par la défaite de ses armées que par l’impuissance de ses flottes. Ayant à reconquérir un archipel et une péninsule, rien ne lui était possible, si elle se laissait interdire par les brûlots hydriotes le seul chemin qui pût conduire ses troupes sur les territoires insurgés. « La nomination d’un nouveau capitan-pacha qui passe pour un homme entreprenant, fin et délié, les levées de galiondjis qu’on presse en ce moment, annoncent, écrivait le capitaine de la Médée le 13 février 1823, que la Porte armera encore au printemps ; on pense toutefois qu’elle armera un plus grand