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de haut en bas à travers les ondes intermédiaires dont l’épaisseur est quelquefois de plusieurs kilomètres, La surface des vagues est ainsi le théâtre d’un continuel échange entre les fluides de l’océan et ceux de l’atmosphère. Une circonstance fortuite mit à même d’observer un autre ordre de faits. L’analyse des eaux superficielles pratiquée à un moment donné durant la seconde croisière du Porc-Épic étonna si fort par la faible proportion de gaz acide carbonique vis-à-vis de l’oxygène qu’on fut tenté de la rejeter comme entachée d’erreur. On se souvint pourtant fort à propos que les autres échantillons d’onde salée dont les résultats étaient en désaccord avec la présente analyse avaient été recueillis à la proue du navire, tandis que cette fois on les avait puisés en arrière des roues à palettes. Le liquide en contact avec l’air atmosphérique avait donc été soumis à une violente agitation. Il existait d’un autre côté la même différence entre les eaux saisies par la bouteille dans les temps calmes et celles qu’on avait extraites toutes bouleversées par le vent. On s’est souvent demandé à quoi servaient les tempêtes : elles servent à purifier la mer en y introduisant de l’air vital et en la débarrassant des gaz nuisibles. Depuis la plus légère brise qui ride la surface des vagues jusqu’au plus furieux aquilon qui soulève des montagnes d’eau écumeuse, chaque mouvement atmosphérique contribue, selon l’intensité des forces, à l’entretien de la vie animale dans les sourdes profondeurs de l’abîme. De même que la poitrine humaine s’élevant et s’abaissant aide à l’aérification du sang dans les poumons, ainsi et en vertu d’un mécanisme semblable respire la mer. Un calme perpétuel ne manquerait point d’être fatal aux habitans des ondes. L’universelle stagnation serait bientôt suivie de la mort universelle.

L’océan, on le voit, ressemble à un être vivant ; il a son souffle, son haleine orageuse ; on lui découvre de plus un système circulatoire. Dans les trois expéditions de l’Eclair et du Porc-Epic, les savans se sont surtout appliqués à étudier la nature et la direction des courans. La mer est le lien des climats, l’élément égalisateur des températures focales, Il rafraîchit et tempère les contrées brûlantes ; il réchauffe les régions glacées. Comment cela se fait-il ? Le nord et le midi voyagent perpétuellement l’un vers l’autre dans la masse des eaux. Il est aujourd’hui démontré qu’une température très basse peut s’étendre au fond de la mer sur une région fort éloignée des pôles. Même sous la ligne, les eaux de l’Océan approchent quelquefois à de grandes profondeurs du point de congélation. Un tel fait ne peut s’expliquer que par un courant d’ondes froides allant sans cesse des pôles vers l’équateur, tandis que, d’un autre côté, les eaux réchauffées dans les régions équatoriales se meuvent