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Le droit d’usage sur les biens communs est-il un droit réel ou un droit personnel ? Est-il attaché à la qualité de la personne ou est-il une dépendance de la propriété foncière ? Primitivement, sans aucun doute, le droit était exclusivement personnel, puisqu’il appartenait à tout Markgenoss, à tout membre de l’association usagère. C’était le droit naturel de propriété des habitans associés de la marche. Seulement comme plus tard on décida que, pour exercer le droit d’usage, il fallait entretenir sur ses biens propres le bétail qu’on voulait envoyer sur les pâturages communs, certains juristes, surtout au XIIIe siècle, y ont vu un droit réel, et ils en parlent comme d’une dépendance de la propriété privée. C’est une erreur complète. D’abord, pour exercer le droit d’usage, il ne suffit pas d’avoir un bien dans la commune, ni même d’en être bourgeois, il faut en outre faire partie héréditairement de la communauté usagère. Le droit d’usage ne peut se déléguer ni se céder, ce qui devrait être admis si c’était un droit réel. Quand l’usager n’a pas eu l’hiver de bétail à lui, il ne peut exercer son droit sur le pâturage au moyen de bétail emprunté ou acheté au printemps ; le droit n’en subsiste pas moins, quoique l’exercice en soit momentanément suspendu. Il en est de même s’il quitte la commune : il ne peut louer sa jouissance usagère ; mais, s’il revient et s’il entretient du bétail l’hiver, il est de nouveau admis à exercer son droit. Ce droit est inhérent à sa personne, et il ne le perd que s’il entre dans une autre communauté, chose extrêmement rare.

Ordinairement le droit d’usage appartient à chaque ménage séparé qui a eu « feu et lumière » dans la commune durant l’année ou à une certaine date fixée ; ainsi à Wolfenschiessen il faut que l’usager y ait passé la nuit du 15 mars. En principe, c’est seulement quand il se marie et qu’il fonde une famille nouvelle que le jeune homme peut réclamer le droit d’usage sur « la forêt, le pâturage et les champs ; » mais par extension il est aussi reconnu à la veuve ou aux orphelins habitant ensemble, parfois même à tout fils d’associé partiaire, à partir de vingt-cinq ans, pourvu qu’il habite une maison séparée. Dans le Nidwald, les filles non mariées qui font ménage à part, Laubenmeidli, ont le même droit. Généralement l’enfant naturel dont la descendance est constatée peut aussi réclamer sa part « du bois, de l’alpe et des champs, » Holz, Alp und Feld ; parfois cependant son droit est restreint. Ainsi à Beggenried il est exclu de l’alpe. Le droit d’usage peut s’acheter, mais seulement du consentement unanime des communiers. Le prix en a rapidement augmenté, même pendant le moyen âge : à Stanz, il s’achetait en 1456 pour 5 sols, en 1523 pour 50, en 1566 pour 100, en 1577 pour 400, en 1630 pour S00, en 1684 pour 1200.