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Les règlemens qui déterminent le mode de jouissance varient de communauté à communauté ; en voici les principes généraux. Sur l’alpe, comme nous l’avons vu, chacun peut envoyer le bétail qu’il a entretenu l’hiver dans sa propriété privée. Si les alpes sont trop peu étendues, chacun est réduit en proportion. Dans l’assemblée générale du printemps, avant que les troupeaux ne montent aux pâturages de la montagne, chaque usager déclare sous serment le nombre de têtes qu’il a hivernées. Toute fraude est impossible, parce que les experts savent parfaitement combien chaque bien peut en entretenir. Le moindre abus est puni d’une amende très forte ou par la suspension du droit d’usage. A Giswyl et à Sachseln, les alpes sont tirées au sort entre les usagers. A Alpnach, on a établi un roulement, de façon que les troupeaux de chacun passent successivement, d’année en année, sur chaque alpe. Dans beaucoup de villages, depuis quelque temps, pour rétablir plus d’égalité, on met, par tête de gros bétail, un impôt dont le produit est distribué à ceux qui n’en ont pas.

Quand les forêts étaient vastes et la population peu nombreuse, chacun prenait du bois à sa guise ; aujourd’hui des règlemens très stricts en déterminent l’usage. Certaines forêts sont mises sous « ban, » Bannwälder, soit parce qu’elles préservent la vallée et les villages de la chute des avalanches, comme celle qui s’élève à l’est d’Altorf, soit parce qu’il faut les respecter pendant quelque temps pour leur permettre de se repeupler. Dans les bois en exploitation, Scheitwälder, les jurés déterminent la coupe annuelle. On y fait des parts en proportion des droits de chaque catégorie d’usagers. Ces parts sont tirées au sort, et chacun vient couper et enlever la sienne, ou bien l’administration de la communauté les livre à domicile. Dans certaines corporations usagères, dans Uri par exemple, le bois à brûler et le bois de construction se répartit d’après les besoins de chacun. Ailleurs chacun reçoit une part égale de chauffage ; mais le bois de construction est nécessairement donné en proportion de ce qu’exige la demeure de chaque famille avec ses dépendances. Seulement ce sont les jurés qui apprécient ce qui est nécessaire ; le surplus doit être payé à la valeur marchande. Il est sévèrement interdit de vendre du bois des forêts communales hors de la commune, sans excepter le bois provenant de démolitions.

Le droit d’usage sur l’allmend de la plaine se règle d’après d’autres principes que celui sur la forêt et sur l’alpe. Le pâturage aux environs du village était destiné à nourrir soit le bétail à l’automne, quand il revenait des hauteurs, soit les quelques vaches laitières conservées près de l’habitation pour fournir le lait de la consommation journalière. Il advint peu à peu qu’on permit à toute famille d’usagers, ayant ou n’ayant pas de propriété particulière, de mettre