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aux groupemens qu’ils constituent en s’agrégeant, et ne représentent que deux fonctions distinctes, deux valeurs différentes d’une même matière initiale, d’une même qualité ou énergie primitive. Cette démonstration simple établit l’unité de substance non comme une hypothèse physique plus ou moins plausible, mais comme une certitude métaphysique aussi indéniable que nécessaire. Si maintenant nous ajoutons, quitte à en donner plus tard la démonstration, que la dimension, l’étendue corporelle elle-même, ainsi que l’avait dit Leibniz et que l’a récemment démontré M. Magy, n’est qu’une résultante de la force, il sera évident que la matière se réduit en dernière analyse à de la force.

M. Tyndall, dans sa biographie de Faraday, nous dit qu’une des expériences favorites de ce physicien fournit une image fidèle de ce qu’il était. « Il aimait à faire voir que l’eau, en cristallisant, élimine toutes les matières étrangères, si intimement mêlées qu’elles puissent être avec elle. Séparé de toutes les impuretés, le cristal devient clair et limpide. » Cette expérience est surtout l’image fidèle de ce qu’était Faraday comme métaphysicien. Rien n’avait pour lui le charme de ces régions claires et limpides où la science, débarrassée d’impuretés, apparaissait à son grand esprit dans tout l’éclat de sa splendeur et de sa puissance. Il s’y abandonnait avec une spontanéité absolue. Il aimait particulièrement à méditer le problème qui nous occupe en ce moment. « Que savons-nous de l’atome en dehors de la force ? s’écrie-t-il. Vous imaginez un noyau qu’on peut appeler a, et vous l’environnez de forces qu’on peut appeler m ; pour mon esprit, votre a ou noyau s’évanouit et la substance consiste dans l’énergie de m. En effet, quelle idée pouvons-nous nous former du noyau indépendant de son énergie ? » D’après lui, la matière remplit tout l’espace, et la gravitation n’est pas autre chose qu’une des forces essentiellement constitutives de la matière, peut-être même la seule. Un chimiste éminent, M. Henri Sainte-Claire Deville, a déclaré tout récemment que, lorsque les corps réputés simples se combinent les uns avec les autres, ils disparaissent, ils sont individuellement anéantis. Par exemple, il n’y a selon lui, dans le sulfate de cuivre, ni soufre, ni oxygène, ni cuivre. Soufre, oxygène et cuivre sont constitués chacun par un système distinct de vibrations définies d’une énergie, d’une substance unique. Le composé sulfate de cuivre répond à un système différent dans lequel se confondent les mouvemens qui engendraient les individualités respectives des élémens soufre, oxygène et cuivre. Il y a longtemps d’ailleurs que M. Berthelot s’était exprimé d’une façon identique. Dès 1864, ce savant disait que les atomes des corps simples pourraient être