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variées[1]. Deux énergies dirigées en sens contraire et qui viennent à se rencontrer résistent évidemment l’une à l’autre. Il est probable que ce sont des rencontres de ce genre qui ont déterminé les condensations variables de la matière et les agglomérations hétérogènes dont le monde nous offre le spectacle. Le mouvement de rotation imprimé à une masse sans pesanteur ne peut engendrer que des sphères concentriques, lesquelles gravitent les unes vers les autres par suite de la pression de l’éther interposé. Les expériences célèbres de M. Plateau sont à cet égard décisives. Ce savant physicien introduit de l’huile dans un mélange d’alcool et d’eau ayant exactement la même densité que l’huile elle-même. Il introduit une tige métallique au sein de cette masse d’huile, qui n’est soumise à l’action d’aucune force, et la fait tourner. L’huile prend la forme d’une sphère, laquelle au moment où la rotation devient très rapide se brise et se divise en un certain nombre de sphères plus petites. Les sphères célestes se sont probablement formées de la même façon, et c’est par un mécanisme identique que se produisent les gouttes limpides de rosée qui brillent comme des diamans sur les feuilles des plantes.

Tous les phénomènes physiques, quelle qu’en soit la nature, ne sont au fond que les manifestations d’un seul et même agent primordial. On ne saurait plus méconnaître, dit expressément Sénarmont, cette conclusion générale de toutes les découvertes modernes, quoiqu’il soit impossible encore d’en formuler nettement les lois et les particularités conditionnelles. Si cela est vrai, et nous espérons avoir démontré qu’il en est ainsi, il est clair que les particularités conditionnelles dont parle Sénarmont, c’est-à-dire les manifestations variées de l’agent unique auquel il fait allusion, ne peuvent tenir qu’à des différences dans les mouvemens qui l’animent. Or l’existence même de ces différences implique nécessairement une cause ordonnatrice et régulatrice ; mais combien plus une cause pareille devient nécessaire dans les phénomènes chimiques, qui nous montrent tant de complications émanées de l’énergie primitive à laquelle tout se ramène en dernière analyse ! On a vu que la variété des énergies stables et homogènes connues sous le nom de corps simples, et dont le nombre s’élève aujourd’hui à une soixantaine,

  1. « Toute relation d’action implique au moins la duplicité. C’est déjà une dissemblance, et il y aurait plus de vérité à dire : il n’y a d’action qu’entre les différens. Il faut au moins une différence de lieu entre les mêmes, et encore, en différant de lieu, les mêmes agissent peu les uns sur les autres. Il faut supposer entre eux des forces contraires pour qu’un tel phénomène s’accomplisse. En chimie, il n’y a que les différens qui agissent les uns sur les autres. Le spectacle de toute la nature atteste qu’un certain degré de différence entre les corps est nécessaire à l’action des uns sur les autres. » Ch. de Rémusat, Essais de philosophie, t. II, p. 33.