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se dégager. Quatre brûlots furent lancés sans effet sur les Turcs. Deux autres accrochèrent à la fois et sur ses deux flancs la frégate que montait l’amiral de Tunis. Les 400 hommes dont se composait l’équipage, les 250 soldats arabes qu’on avait embarqués à Alexandrie, tout périt dans les flammes ou s’abîma dans les flots. Abordée par un brûlot ipsariote, une corvette turque avait partagé le sort de la frégate tunisienne. Ibrahim et Khosrew reconnurent l’impossibilité de pousser plus avant. Ils allèrent reprendre une troisième fois le mouillage de Boudroun. Cette masse de navires, dont la confusion s’augmentait des deux commandemens auxquels il lui fallait obéir, ne pouvait que gagner à se séparer en deux escadres distinctes. Khosrew-Pacha poursuivit seul sa route vers Samos. Ibrahim débarqua dans la plaine d’Halycarnasse ses troupes fatiguées et en proie à la dyssenterie. « La saison est trop avancée déjà écrivait M. de Reverseaux au comte de Chabrol, ministre de la marine, pour que les Turcs puissent faire avec succès cette année aucune tentative importante contre la Morée ou les îles. Il paraît certain que la flotte d’Égypte a, depuis son départ d’Alexandrie, perdu plus de la moitié de ses équipages et de ses troupes, sans compter la totalité de ses chevaux. »

Telles étaient les nouvelles qu’un exprès apportait le 11 septembre 1824 à Constantinople. Le 27, Khosrew rencontrait la flotte grecque entre Nicarie et Samos. Cette rencontre amena entre les deux flottes une escarmouche assez vive qui contraignit encore une fois le capitan-pacha à renoncer à son projet si souvent ajourné de descente. Les coups de vent d’équinoxe décidèrent quelques jours plus tard l’amiral ottoman à rentrer dans les Dardanelles, La campagne de 1824 était donc terminée ; malgré la réduction d’Ipsara et de Caxos, on pouvait la considérer comme un avortement. C’est ainsi qu’en jugèrent les Grecs. Ils laissèrent leur flotte insensiblement se dissoudre ; abandonné par les Ipsariotes, Miaulis ne put conserver autour de lui que vingt-cinq voiles. Il n’en continua. pas moins de surveiller les mouvemens de l’ennemi avec un zèle vraiment infatigable.

Le patriotisme de l’habile amiral se défiait à bon droit des projets d’Ibrahim. Le fils du vice-roi avait en effet juré qu’il ne mettrait le pied sur la terre ferme que le jour où il pourrait débarquer en Morée. 5,000 Égyptiens venus d’Alexandrie avaient comblé les vides de son armée. Il s’occupait activement de retremper le moral de sa flotte. Un de ses bricks s’était laissé détruire par deux brûlots grecs. Il fit étrangler le capitaine qui avait trop précipitamment abandonné le navire abordé. Un autre commandant, également coupable de faiblesse, reçut la bastonnade sur le gaillard d’arrière.