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considère toujours ce vaste ensemble où chaque fait particulier, où chaque idée doivent trouver facilement une place qui leur est marquée d’avance. On ne peut être vrai non plus dans de pareils sujets sans une solide érudition. Les faits surtout expliquent les formes particulières qu’ont revêtues chez un peuple les diverses manifestations de l’esprit, la poésie, l’art, l’éloquence, la philosophie. Ce sont les faits qu’il faut chercher pour des époques dont l’histoire nous est le plus souvent si peu connue, ce sont les faits qui permettent de trouver les explications simples, les seules qui aient une valeur à nos yeux. Jamais l’écrivain qui veut s’élever à des considérations générales, qui estime avant tout les résultats importans, ceux qui ont un sens pour tout esprit philosophique, ne connaîtra assez bien ces mille questions que la science la plus aride traite avec tant de soin, souvent même au risque de ne plus voir que le détail et de perdre de vue cette belle et intelligente suite des choses qu’elle se propose d’étudier. Les érudits seuls ont le droit de parler de l’antiquité, et cependant combien d’entre eux ne pourront jamais s’essayer à cette difficile entreprise !

Le sentiment de la vérité en histoire et la science de l’auteur lui ont permis de faire un livre nouveau sur un sujet emprunté à une littérature dont nous ne cessons de parler depuis la renaissance des lettres. M. Perrot a une vue nette de ce qu’était l’esprit grec et en particulier l’esprit athénien. Il montre comment ce génie simple malgré un goût vif pour l’éloquence, plus sensible à la symétrie, à l’harmonie qu’aux figures oratoires, à la dialectique qu’à l’enthousiasme, recherche d’abord dans le discours les qualités qui parlent à l’intelligence plutôt que celles qui s’adressent à la passion. L’art subit les mêmes influences. La ressemblance est complète entre les bas-reliefs du Ve siècle et ces premiers discours. Le sculpteur ne s’étudie pas à rendre des émotions fortes ; il évite la recherche : au contraire des primitifs d’Occident, qui parviennent, dès qu’ils sortent de l’enfance de l’art, à traduire les passions extrêmes, il est réservé jusqu’à la froideur ; il n’a pas non plus le désir de varier les motifs, les attitudes ; ses personnages s’avancent en longues lignes ou se regardent deux à deux sur le marbre et sur les vases. De même la phrase ou oppose deux idées dont la symétrie est parfaite, ou fait passer devant nous, dans une procession harmonieuse, des faits et des pensées qui se suivent sans que l’écrivain se préoccupe de rompre cette apparente monotonie. Les figures de pensées sont rares ; l’émotion n’est pas dans un mot particulier, dans la manière de couper le récit, dans l’habileté artificielle avec laquelle quelques détails sont groupés, elle naît de l’ensemble, d’un exposé vrai et sévère, où les choses parlent d’elles-mêmes, où la sobriété n’est que le don d’écarter tout ce qui est accessoire et inutile.

L’auteur s’était préparé à ces études non-seulement par des travaux variés sur différentes parties de l’archéologie, de cette science qui plus