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gouvernement. Au mois de septembre 1825, quelques Grecs s’emparèrent, sur la côte de Candie, du fort de Grabouza, que les Turcs avaient laissé à la garde de cinq hommes. Un an plus tard, le capitaine Bruix, visitant cet îlot, y trouvait une garnison de 900 bandits. La vieille forteresse vénitienne avait été armée de quarante bouches à feu ; des canons battaient les deux passes. La poursuite de quelques bateaux amena, vers la même époque, la frégate anglaise la Sibylle dans ces parages. La Sibylle ne réussit pas à s’emparer des pirates, mais elle eut dans une seule affaire 40 hommes tués ou blessés, dont 2 officiers. L’indignation devenait générale ; la répression n’en était pas pour cela plus facile. Fuyant d’île en île, de rocher en rocher, les pirates déguisaient leurs navires, changeaient leurs équipages, dissimulaient leurs armes, et recommençaient leurs courses aussitôt que nos bâtimens de guerre avaient disparu. Le lieutenants général Paulucci, envoyé dans le Levant à la tête d’une forte escadre autrichienne pour y protéger un commerce qui occupait près de huit cents navires, avait pris le parti violent d’arrêter les premiers bâtimens d’Hydra et de Spezzia qui s’étaient trouvés sur sa route. C’était ainsi qu’il prétendait indemniser le commerce autrichien de ses pertes. Il n’avait pas, comme l’amiral de Rigny, à compter avec l’opinion libérale et avec les scrupules mêmes de son gouvernement. Très inquiète du résultat que pourrait amener une médiation étrangère dans les affaires de la Grèce, l’Autriche eût volontiers demandé la pacification de l’Orient à quelque succès décisif de la Porte : aussi prenait-elle à peine le soin de dissimuler sa partialité. Ses bâtimens de guerre escortaient ses navires de commerce quand ils traversaient l’Archipel frétés par Méhémet-Ali. Les fonds que le vice-roi faisait passer d’Égypte à Ibrahim s’embarquaient sous son pavillon. « C’est aux Autrichiens seuls, écrivait l’amiral de Rigny, ce n’est pas à nous que doivent être réservées toutes ces accusations de servilité qui nous sont adressées en commun, »

Irrité, fatigué par les accusations les plus contradictoires, l’amiral voulut enfin se soustraire à une tâche ingrate. Il pria le ministre de l’autoriser à rentrer en France. « Le roi, lui répondit-on, n’a pu accueillir votre demande ; il la juge contraire à ses intérêts. » — « Franchement, lui écrivait de son côté le comte de Guilleminot, je ne puis, mon cher général, que prononcer moi-même contre vous. Vous nous êtes nécessaire, plus nécessaire encore aujourd’hui que par le passé. » Si du moins les journaux de Paris avaient voulu croire à la piraterie, ou si ceux de Marseille avaient consenti à ne plus s’en plaindre ! Mais il n’arrivait pas de France un courrier qui ne portât la trace de l’impression laissée jusque dans les régions officielles