Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 105.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tel était aux premiers mois de l’année 1825 le remarquable langage de l’ambassadeur de France à Constantinople. Le comte de Guilleminot inclinait visiblement dès lors vers la solution que la pression de l’opinion publique réussit après de longs et vigoureux efforts à faire enfin prévaloir. Le commandant de la station navale, le brave capitaine Drouault, obéissait à de tout autres préoccupations. Ses vœux les plus ardens étaient pour Ibrahim, ses dédains, ses rigueurs ne s’adressaient qu’aux Grecs. « Il n’est, disait-il, ni dans mes principes ni dans mes sentimens de favoriser le fort contre le faible, de lancer des Turcs contre des chrétiens ; mais dans l’Archipel je ne trouve plus simplement des Grecs combattant des Turcs, je vois un petit peuple insurgé prêt à devenir l’instrument des Anglais. Je me rapproche alors de l’ancienne politique de mon pays. Cette politique consistait à repousser les Anglais de la Méditerranée, où ils n’ont déjà que trop d’influence. »

Le roi Charles X avait succédé à son frère. Les gouvernemens, si constitutionnels qu’ils puissent être, se ressentent toujours jusqu’à un certain point de l’humeur personnelle du souverain. Le gouvernement de l’ancien comte d’Artois ne pouvait avoir l’impassibilité qui avait distingué de tout temps la politique du comte de Provence. Le cabinet des Tuileries était devenu depuis le 16 septembre 1824 le conseil d’un roi chevalier ; sans adopter pleinement les vues du comte de Guilleminot, il n’eût voulu sous aucun prétexte s’exposer au reproche d’avoir par ses démarches ou par ses exigences desservi la cause de la Grèce. On craignit à Paris que l’antipathie si peu dissimulée du commandant de la Galatée contre l’Angleterre et ses prétendus instrumens ne l’entraînât trop loin. Le capitaine Drouanlt attendait à Smyrne les nouvelles instructions qu’il avait demandées. Un ordre imprévu le rappela brusquement à Toulon. Le 18 avril 1825, il dut remettre le commandement de la station au capitaine de vaisseau Begon de La Rouzière, sans même attendre l’arrivée de la frégate la Sirène, partie de France le 11 avril, sous les ordres du capitaine de Rigny, destiné à le remplacer.

Le 21 avril 1825, la Sirène faisait route pour Smyrne ; à la hauteur du cap Saint-Ange, elle rencontra une division de dix-huit bâtimens grecs sous le commandement de l’amiral Miaulis. Ces dix-huit navires étaient la seule force que les Hydriotes, toujours à court d’argent, eussent pu réunir pour intercepter les communications d’Ibrahim avec ses dépôts de Candie. Le 29 avril, la flotte égyptienne, au nombre de soixante-dix à quatre-vingts voiles, dont dix-huit frégates ou corvettes, plusieurs bricks et goélettes de guerre, trente ou quarante transports, dont une partie sous pavillon autrichien et sous pavillon sarde, sortait pour la troisième