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fois de la Sude et louvoyait pour s’élever au vent du cap Malecca. Cette flotte mal ralliée, plus mal manœuvrée encore, occupait un espace de 5 lieues environ. Le même soir, les bâtimens grecs étaient en vue. Le vent très faible ne leur permit pas de s’approcher. Le 30, à huit heures du matin, l’escadre ennemie était encore pelotonnée en désordre, cherchant à masquer ses transports. Les Grecs engagèrent les premiers la canonnade. Le feu s’étendit bientôt sur toute la ligne et dura jusqu’à midi. « Des deux côtés, nous dit le chevalier de Rigny, témoin de ce combat, on tirait hors de portée. » Vers le soir, le feu reprit avec plus de vivacité encore. Les Grecs, avec leurs bâtimens légers et leur faible artillerie, ne pouvaient avoir d’autre espoir que de diviser l’ennemi et de lui lancer leurs brûlots. « À dix heures du soir, un brûlot s’enflamma, et successivement deux autres. En ce moment, la canonnade était épouvantable. Les Turcs, à portée ou hors de portée, qu’ils eussent ou n’eussent pas de but, tiraient leurs bordées entières au hasard. » Au jour, on distingua du pont de la Sirène la flotte égyptienne qui continuait sa route vers la Morée. Les Grecs restaient maîtres du champ de bataille avec trois brûlots de moins qui avaient éclaté sans effet ; mais, ce qui serait difficile à croire si un témoignage aussi authentique ne nous l’affirmait, après une canonnade qui avait ébranlé l’horizon pendant plus de douze heures, aucune avarie apparente ne fut remarquée dans la voilure de l’une ou de l’autre flotte.

Le lendemain de ce combat, la flotte d’Ibrahim, au nombre de quatre-vingt-deux voiles, chargée de 4,000 hommes, de 500 mulets, de munitions de guerre et de bouche, arrivait à Modon. Une partie des troupes turques de Candie avait refusé de s’embarquer, ne voulant pas, disaient-elles, se mêler avec les Nedjis. Ibrahim n’avait point à regretter leur concours. Des soldats indisciplinés n’auraient pu que corrompre par leur exemple cette brave infanterie régulière. Lenizam égyptien venait de donner la mesure de sa solidité. Les Souliotes, commandés par Zavellas et Constantin Botzaris, les armatoles rouméliotes sous Karaïskaki, les Albanais de l’Argolide, conduits par un capitaine hydriote, avaient pris position, au nombre de 7,000 hommes, sur les hauteurs qui dominent Modon. Ibrahim attaqua cette armée avec 3,000 fantassins réguliers, 400 cavaliers et quatre pièces de canon. Les Arabes reçurent l’ordre de charger les Souliotes et les armatoles à la baïonnette. Ils marchèrent d’un pas ferme sur les retranchemens ennemis, sans hésiter, sans broncher, quoique plusieurs tombassent en chemin. Après une faible résistance, les troupes grecques lâchèrent pied et prirent la fuite dans toutes les directions. Quelques volées d’artillerie et une charge de cavalerie complétèrent la victoire des Égyptiens. Les Grecs