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la partie drapée du bras au-dessus du coude est disposée de manière à former un creux, ce qui fait qu’on a de la peine à comprendre comment l’avant-bras s’y ajuste. À distance surtout, cette figure assise et courbée, avec la draperie qui joint la tête à l’épaule, forme un bloc un peu lourd et d’un aspect écrasé ; mais il ne faut pas oublier que c’est de la sculpture monumentale, faite pour être vue de bas en haut, et que ces effets de lourdeur disparaîtront quand la statue sera élevée sur son piédestal.

La Religion, du même M. Barrias, est une œuvre très inférieure, quoique faisant pendant à la Charité et conçue dans un style analogue. Assise, l’épaule gauche en avant, pour faire équilibre à l’autre, elle se tient droite, la tête voilée, mais le front découvert, ceint d’un diadème, les cheveux noués en longues tresses, l’air impérieux et inspiré. Du bras droit, qu’elle laisse tomber de toute sa longueur, elle tient une croix ; du bras gauche elle tient sur son genou le livre de vie. Comme de raison, le pied gauche est un peu en retrait du pied droit, pour faire équilibre au mouvement des bras. Cette figure est noblement posée, et elle respire le commandement ; mais le visage en est lourd et boursouflé, le bras qui s’avance vers le genou gros, mou, épais, mal tendu, puissant par la matière plus que par la forme. Malgré un fatigant étalage de muscles, cette sculpture manque de nerf. Les draperies elles-mêmes sont trop compliquées et absorbent trop l’attention ; la tunique, cassée en mille plis, contraste d’une manière fâcheuse avec les longues draperies des jambes et les longues draperies de la tête. Pour employer une expression familière, tout cela est péniblement et prétentieusement fagoté ; l’ensemble en est fatigant et ne laisse qu’une impression banale.

Avec la Danseuse égyptienne de M. Falguière, nous entrons dans un monde nouveau. M. Falguière est l’homme du XVIIIe siècle ; il en a l’élégance, l’habileté, la grâce légère et facile, l’originalité médiocre et le pittoresque d’emprunt. La sculpture de M. Falguière est pour ainsi dire de la sculpture de genre. Sa Danseuse est un de ces morceaux de fantaisie où l’on fait faire au marbre de Carrare des tours d’adresse qui ne sont pas dans sa nature, et qui servent à montrer surtout la prodigieuse habileté de l’exécutant. Elle court légèrement sur la pointe des pieds, ou plutôt elle exécute une sorte d’entrechat en faisant sauter autour d’elle les plis flottans de sa basquine, qui se tordent d’une façon très peu sculpturale ; cette draperie tortillée rappelle un peu le style du cavalier Bernin. La jambe gauche est lancée en avant, le torse à peu près nu jusqu’à la ceinture se penche à gauche, par un mouvement qui inquiète pour son équilibre, et dont la tête, tournée à droite, contrarie heureusement l’effet ; le bras gauche tient une cithare, dont la main droite