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avait suffisamment réussi ; elle avait rejeté les Allemands assez loin pour les contraindre à une certaine circonspection. Ils se bornaient désormais à couvrir leur aile gauche, qu’ils considéraient comme « très avancée. » L’historien des opérations du Ve corps prussien le dit lui-même : « pour l’avenir, on renonça à établir des pièces à l’extrémité est de Bougival. » C’était tout ce qu’il fallait pour sauvegarder a l’avenir » sur cette partie de nos défenses.

Enfin sur un autre point du périmètre, dans la région du nord-est, on ne cessait d’entretenir au-devant des forts et de Saint-Denis une guerre d’escarmouches, de reconnaissances, qui avait pour objet et pour résultat d’inquiéter l’ennemi dans ses travaux ou dans ses mouvemens. Les Prussiens ne pouvaient s’avancer sans rencontrer nos éclaireurs, nos mobiles, nos soldats réguliers, prêts à les tenir en respect. Le contre-amiral Saisset disputait Bondy, qui devenait un champ de bataille de tous les jours. Le général de Bellemare poussait des pointes sur Villetaneuse, Pierrefitte, Stains et vers Le Bourget, où l’ennemi avait de la peine à s’établir. Ainsi de tous les côtés la lutte se développait et s’animait. On n’en était pas encore aux grandes entreprises sur les lignes allemandes ; c’était plutôt un effort permanent pour s’étendre, pour compléter le système défensif en combattant.

On croyait à Paris qu’il y avait bien de la lenteur dans cette manière d’agir, que ces chefs militaires entourés pourtant encore d’une certaine popularité manquaient de hardiesse, qu’il n’y aurait feu qu’à vouloir, à prendre des masses de garde nationale, qu’on laissait sur le rempart, pour forcer l’ennemi à lâcher prise. En réalité, depuis un mois, depuis ce jour du 19 septembre où l’on avait été brusquement rejeté jusque dans l’intérieur de la ville, les résultats étaient des plus sérieux. le ne parle pas de la garde nationale, lente à former et à débrouiller, ni de cette multitude de corps irréguliers, éclaireurs, francs-tireurs, volontaires de toute sorte, entre lesquels le plus utile, le plus brillant, fut toujours cet escadron Franchetti, dont le chef allait bientôt trouver la mort à l’ennemi. Les résultats étaient surtout sensibles dans ce que j’appellerai la défense régulière. La réorganisation de l’armée avait fait en peu de temps de véritables progrès. On avait constitué, on constituait chaque jour de nouveaux régi mens du mieux qu’on pouvait avec de pauvres cadrés déjà épuisés. Les mobiles recevaient une instruction un peu hâtive, la seule qu’on pût leur donner en courant, et quelques-uns de ces bataillons avaient feu déjà la meilleure tenue au feu. L’esprit militaire se réveillait, et après un mois ces mêmes zouaves qui s’étaient débandés, qui avaient fui à Châtillon, venaient de se montrer les plus vaillans soldats à La Malmaison.