Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 105.djvu/974

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

charme de ses confidences intimes, ce qui a fait le succès de ses lettres. Comme celles de Mme de Sévigné, elles ont pris rang dans notre littérature, et depuis 1787 jusqu’à nos jours on n’en compte, pas moins d’une dizaine d’éditions. La dernière a été donnée par M. Ravenel en 1846 : elle est précédée de la belle étude de Sainte-Beuve, publiée dans la Revue, et que l’on peut regarder comme l’une de ses œuvres les plus achevées. M. Asse, tout en rendant pleine justice à M. Ravenel, a pensé qu’il y avait place encore pour un nouveau travail ; il a fait au texte quelques corrections importantes, et il s’est attaché surtout à renseigner ses lecteurs sur les nombreux personnages dont il est parlé dans la correspondance ; il a de plus ajouté à cette correspondance un certain nombre de lettres qui s’y rattachent plus ou moins directement, soit qu’elles aient trait à Mlle Aïssé elle-même, soit qu’elles se rapportent à son entourage ou aux faits qu’elle raconte.

CH. LOUANDRE.



Essais sur l’instruction publique, par Charles Lenormant, de l’Institut, publiés par son fils, Paris 1873.


Ce volume se compose d’une réunion d’articles qui pour la plupart datent de vingt-cinq ans ; ils n’ont pourtant pas beaucoup vieilli, et on les croirait souvent écrits d’hier. Les discussions qui viennent de se renouveler avec tant d’ardeur sur l’instruction publique leur ont rendu une sorte de nouveauté, et la famille de M. Lenormant a eu raison de penser que nous pourrions y trouver encore à nous instruire.

M. Charles Lenormant fut un de ceux qui prirent le plus de part à la lutte contre le monopole universitaire : il appartenait au parti qui réclamait la liberté de l’enseignement ; il en fut, on peut le dire, un des champions les moins violens, mais les plus décidés. En relisant ce qu’il écrivit à cette occasion, nous sommes ramenés au milieu de la bataille, nous en suivons toutes les péripéties jusqu’à ce traité de paix que signèrent les combattans et qui fut la loi de 1850. Cette loi ne satisfit qu’à moitié M. Lenormant, et à ce propos il se sépara des illustres amis à côté desquels il avait combattu, et qui s’en contentaient. Le motif de leur désaccord était moins grave qu’ils ne le croyaient : il s’agissait de la surveillance des établissemens libres que la loi confiait aux inspecteurs de l’Université. M. Lenormant doutait de leur impartialité, et il aurait voulu qu’on créât partout un service d’inspecteurs spéciaux composé des notables du pays. On lui répondait que les inspecteurs bénévoles étaient rarement zélés ou clairvoyans : du bien ils se dispensent d’aller visiter les établissemens qu’ils devraient surveiller, ou ils n’y veulent pas voir les désordres qui s’y trouvent. Il leur coûte de reprendre et de dénoncer ; ce sont là des responsabilités graves dont on ne se charge pas volontiers quand on remplit des fonctions de hasard auxquelles on n’a pas consacré sa vie. Ces raisons étaient fort bonnes ;