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demnité, mais des intérêts et des frais de l’occupation de l’armée ennemie, et si on ajoute les contributions prélevées directement par les Prussiens pendant la guerre et les rançons particulières qu’ils ont exigées de certaines villes, notamment les 200 millions de la ville de Paris, on arrive à une somme de plus de 6 milliards, dont il faut retrancher seulement, comme n’ayant pas été acquittés en espèces métalliques, 325 millions affectés au rachat des chemins de fer d’Alsace et de Lorraine, et 100 millions en billets de la Banque de France que les Prussiens ont bien voulu accepter pour la rançon de la capitale.

Les Américains ont eu aussi des charges énormes à liquider après la guerre de sécession. Leur dette, de 1 milliard à peine, s’était élevée à 15 ou 16 milliards; mais cette élévation avait eu lieu successivement en quatre ans, et provenait en grande partie d’emprunts contractés à l’intérieur, par l’émission de bons ou de papier-monnaie. Une fois la paix faite, ils n’ont point eu de rançon à payer, point d’espèces métalliques à réaliser à tout prix ; il leur a suffi de faire face à l’intérêt de leur dette et d’en amortir une portion chaque année. Il nous faut, à nous, d’abord payer l’indemnité prussienne en numéraire, et trouver encore d’autres ressources pour liquider nos propres dépenses, qui ont été considérables.


I.

Tout le monde sait que la France est riche. Favorisée par un climat excellent, elle produit en abondance presque toutes les denrées les plus nécessaires à la vie : les céréales, le vin, le charbon, le fer, les huiles de toute nature; elle a par-dessus tout une main-d’œuvre incomparable pour travailler les matières premières, et en tirer ces merveilles de l’art et de l’industrie que tout l’univers se dispute. On sait enfin que, grâce aux perfectionnemens de toute sorte, aux inventions de la science moderne, aux chemins de fer, à la télégraphie électrique et aussi à la découverte des nouveaux gisemens aurifères, elle a augmenté sa production dans des proportions inouïes. On n’a qu’à consulter les tableaux de notre commerce extérieur, qu’à comparer les chiffres d’aujourd’hui avec ceux d’il y a vingt ans, on verra qu’ils ont triplé. La Banque de France fait aussi cinq ou six fois plus d’opérations qu’en 1850, et à côté d’elle sont venus s’organiser d’autres établissemens de crédit qui ont également une clientèle très importante. On sait tout cela; mais ce qu’on sait moins, c’est à quel degré notre pays, grand producteur et habile travailleur, est en même temps économe. Un homme d’état illustre nous racontait dernièrement qu’en 1841 Robert Peel, s’entretenant avec lui de la richesse comparative de la