Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/167

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bizarre, sans que nous ayons été aussi éprouvés que l’Allemagne, qui recevait notre argent. Voyons d’abord les échanges commerciaux. Si on interroge les états de douane, on trouve que la balance à notre profit a été en 1872 de 362 millions; mais ces états ne donnent qu’une idée bien imparfaite de l’accroissement de la richesse publique, et même du solde qui résulte de la balance des affaires. D’abord il y a des erreurs dans la façon dont ils sont établis. Quand on calcule les marchandises à l’exportation, on les prend au point de départ, au port d’embarquement ou à la frontière de terre, sans tenir compte des autres frais qu’elles auront à supporter, frais de transport, d’assurance, de commission, qui sont payés à des intermédiaires. Il y a une grande différence entre le prix de la marchandise au moment où elle sort du pays et celui qu’elle a lorsqu’elle arrive à destination; cette différence profite généralement encore au commerce national. De plus les marchandises à l’exportation, n’étant soumises qu’à un simple droit d’enregistrement, ne sont pas évaluées à leur juste valeur : personne ne s’en inquiète et n’a intérêt à s’en occuper; au contraire, celles qui arrivent ayant des droits à payer, on cherche à les estimer assez exactement, et en outre elles viennent grevées des frais de transport, de commission et d’assurance. Par conséquent il n’y a pas de parité dans le mode d’évaluation de ces deux élémens de commerce extérieur; de là des erreurs considérables qui dérangent toutes les inductions.

Ce n’est pas tout : la balance de commerce elle-même, fût-elle relevée exactement, ne signifierait rien pour l’appréciation de la richesse; on peut l’avoir contre soi et s’enrichir beaucoup plus que si on l’avait pour soi. Cela tient à ce qu’elle ne résulte pas seulement des échanges commerciaux ; elle a d’autres causes encore. Voilà un pays par exemple qui a prêté ses capitaux au dehors : on lui envoie chaque année pour le paiement des intérêts des marchandises ou des métaux précieux qui viennent grossir tout naturellement le chiffre des importations; il est bien évident que, si les exportations restent au-dessous, la nation ne s’est pas appauvrie pour cela; elle s’est enrichie au contraire, puisqu’elle n’a eu rien à donner en échange de l’excédant d’importation et qu’elle l’a reçu purement et simplement comme un revenu de ses capitaux. C’est ce qui arrive en Angleterre. Chaque année, dans ce pays, les exportations sont pour des chiffres considérables au-dessous des importations; dans une période de dix ans, la différence aura été peut-être de 10 milliards. S’ensuit-il que l’Angleterre ait perdu cette somme? Loin de là, elle l’a gagnée, c’est un tribut que lui paient les autres nations dont elle est créancière, et quand par hasard elle a le