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appelaient les « engagemens » pris avec les insurgés, si on ne jetait pas un voile d’oubli sur la sinistre échauffourée ; les autres ne voulaient plus rester au pouvoir, si on ne sévissait pas énergiquement contre les fauteurs de séditions, et, chose assez curieuse, dans ce tumulte d’opinions ou d’impressions contraires, M. Henri Rochefort prétendait, quant à lui, que pour un tel attentat « aucune punition ne saurait être assez rigoureuse, puisque les hommes qui l’avaient commis avaient abandonné leur poste devant l’ennemi pour venir renverser le gouvernement chargé de la défense nationale ; » il était d’avis « de sévir avec la dernière rigueur ou de ne rien faire absolument. » On ne faisait ni l’un ni l’autre, on poursuivait sans poursuivre sérieusement, en ayant l’air de « sévir, » on ne sévissait guère, et le dernier résultat de cette politique était de désorienter les masses de garde nationale fidèle sans trop décourager les agitateurs. Le 31 octobre était ainsi moins une solution ou une affaire décisive qu’un symptôme redoutable, une première péripétie dans les crises intérieures du siège. Cette journée, avec le vote qui la dénouait, n’avait qu’un avantage : elle débarrassait pour le moment l’Hôtel de Ville des manifestations tumultueuses, elle laissait un peu respirer le gouvernement en le ramenant aux affaires sérieuses, à la défense, à toutes les nécessités et aux périls croissans de l’action contre l’ennemi extérieur qu’on venait d’oublier misérablement pendant quelques heures.


I

Cet ouragan d’hiver une fois dissipé ou momentanément apaisé en effet, on revenait au siège, à ce siège dont on s’était détourné tout un jour sans se demander ce qui serait arrivé le 31 octobre entre deux heures et dix heures du soir, si les Allemands avaient fait une tentative violente sur Paris. A peine délivré de la sédition intérieure qui avait failli le dévorer, le général Trochu se retrouvait en face de cet autre sphinx impassible et redoutable, l’ennemi extérieur, surveillant et attendant sa proie.

C’était bien commode de crier contre le gouverneur de Paris, tantôt pour ce qu’il faisait, tantôt pour ce qu’il ne faisait pas. Seul il savait ce qu’il avait eu de difficultés à vaincre pour conduire au point où elle était cette œuvre de la défense qui venait d’être exposée à sombrer en un instant, et seul aussi il savait ce qu’il avait encore à faire, ce qu’il pouvait tenter. Il ne se méprenait nullement sur les nécessités de la situation extraordinaire que les circonstances lui créaient. A vrai dire, ce qu’il avait fait jusque-là n’était dans la pensée même qu’un préliminaire, une première étape de la