Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/264

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on croyait détourner l’attention des Prussiens ou prolonger leur incertitude en laissant s’accomplir tout au moins quelques-unes des diversions qui devaient être exécutées, et c’est ainsi que le 29 au matin, tandis que tout restait immobile sur la Marne, le général Vinoy se trouvait seul engagé dans le sud. De là une certaine apparence de décousu qu’on ne pouvait guère expliquer.

L’amiral La Roncière Le Noury avait pu être prévenu assez tôt à Saint-Denis. Les mouvemens du général de Beaufort, du général de Liniers dans l’ouest étaient des démonstrations plus que des entreprises sérieuses. L’affaire dont le général Vinoy restait chargé et pour laquelle il ne recevait aucun contre-ordre ne laissait pas d’avoir de l’importance. On devait s’engager résolument sur L’Hay et sur Choisy-le-Roi avec la division de Maud’huy et la division Pothuau. Avant le jour, ces forces s’élançaient en effet. La brigade Valentin de la division de Maud’huy, après un vif engagement, entrait à L’Hay, et à huit heures du matin elle s’y maintenait encore, non sans peine, non sans être assez fortement éprouvée. D’un autre côté, le contre-amiral Pothuau avait très vaillamment marché sur Choisy-le-Roi avec ses marins, auxquels il avait joint deux bataillons de gardes nationaux mobilisés, ceux du commandant de Crisenoy et du commandant Langlois, qui allaient pour la première fois sérieusement au feu et qui faisaient la meilleure contenance. Le contre-amiral Pothuau avait enlevé par un vigoureux coup de main le poste de la Gare-aux-Bœufs en avant de Choisy, et il se faisait fort de s’y défendre.

C’est alors seulement, un peu après huit heures, que le général Vinoy recevait en plein combat l’avis de ce qui venait de se passer sur la Marne et l’invitation de régler « la suite de son opération sur cet incident. » Une heure après, on l’engageait encore à garder ses positions, s’il le pouvait. Par malheur, l’incident de la Marne avait produit son effet ; la brigade Valentin commençait à souffrir cruellement dans L’Hay, et avait de la peine à tenir en épuisant ses dernières réserves. Vers dix heures, le général Vinoy, un peu blessé de n’avoir pas été prévenu à temps, donnait l’ordre de quitter L’Hay et même la Gare-aux-Bœufs, qu’on n’abandonnait cependant que dans l’après-midi et sans en avoir été délogé. C’était une affaire engagée d’abord avec entrain, soutenue avec fermeté par les troupes, qui avaient perdu un millier d’hommes, et en définitive un peu sacrifiée. La vraie question n’était pas là : elle restait tout entière sur la Marne, où l’on passait cette ingrate journée du 29 à compléter l’occupation et l’armement d’Avron, à réparer le contre-temps de la veille et à se mettre en garde contre des déceptions nouvelles pour le lendemain.