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trouvait en face d’une voûte barricadée du chemin de fer de Mulhouse qui coupe la route en cet endroit.

Le général Ducrot, qui est en tête de la division Maussion, s’aperçoit que les tirailleurs ont l’air de regarder autour d’eux ; sentant le danger d’un moment d’hésitation au début de l’action, il court à cheval sur la barricade au mépris de la fusillade qui le reçoit et qui va démonter à quelques pas un des commandans de brigade, le général Avril de l’Enclos ; il ébranle de sa main les gabions, excitant familièrement les soldats et leur montrant que ce n’est pas plus difficile que cela. En un instant, la barricade est enlevée, et aussitôt on se met à gravir la rampe de Villiers. La division Berthaut, avec les brigades Bocher et de Miribel, suit la division Maussion sur la droite, en s’appuyant à la ligne du chemin de fer. À ce moment, vers dix heures, sur la route de Villiers, le vieux et vaillant commandant du 2e corps, le général Renault, reçoit un éclat d’obus qui le met hors de combat. Le général de Maussion prend le commandement du corps d’armée, et est remplacé lui-même à la tête de sa division par un de ses chefs de brigade, le général Courty. — Jusque-là, sauf ce pénible accident, tout marchait bien. On avait gagné du terrain. Dès lors, sur toute la ligne de Villiers à Champigny s’engage une lutte acharnée, pleine de sanglantes péripéties, entre l’ennemi défendant ses positions et l’armée française s’efforçant de prendre pied sur les plateaux qu’elle a devant elle.

Le 2e corps n’avait pas eu de peine à gravir les pentes, à s’élever jusqu’à la ligne de faîte, là où le terrain se déprime légèrement pour se relever presque aussitôt vers le château et le village de Villiers. En face, après cette légère ondulation, à moins de 500 mètres, se déployait le parc de Villiers, fortement crénelé, flanqué de pièces de canon à ses deux extrémités, défendu à l’intérieur par de l’artillerie, par une brigade wurtembergeoise, soutenue par d’autres batteries échelonnées jusqu’à Cœuilly. Atteindre les bords du plateau n’était rien ; franchir à découvert l’espace qui séparait du parc, arriver sur les retranchemens ennemis, s’emparer de ce réduit hérissé de défenses, c’était là le difficile, d’autant plus qu’on ne pouvait guère battre en brèche le mur du parc, à demi couvert par une déclivité du terrain, et que notre artillerie, suivant les mouvemens du combat, ne pouvait paraître sans être foudroyée par les batteries allemandes de Villiers et de Cœuilly. Tout cela cependant, on le tentait, on le faisait autant que possible.

Il était à peu près onze heures du matin. Les batteries du 2e corps, sous l’énergique impulsion du général Boissonnet, s’avançaient hardiment à droite et à gauche de la route, engageant avec l’artillerie allemande un duel des plus violens et des plus meurtriers. Nos fantassins touchaient au sommet des pentes, ils ne pouvaient