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plus faire un pas sans être sous le feu de l’ennemi à 400 mètres. C’était le moment décisif. Une première colonne d’attaque s’élançait sur le parc ; mais elle était bientôt ramenée, laissant nombre de morts, parmi lesquels se trouvait Neverlée, cet intrépide capitaine de l’état-major du général Ducrot qui, peu de jours auparavant, était allé prendre une patrouille prussienne jusque dans Saint-Cloud. Les Wurtembergeois, sortant du cimetière et du parc de Villiers, essayaient de se jeter sur notre ligne, et à leur tour ils se voyaient vigoureusement repoussés.

On allait recommencer l’assaut, lorsque tout à coup sur la gauche, du côté de Noisy-le-Grand, on voit des masses s’avancer. Le général Ducrot, qui est là, croit d’abord que c’est son 3e corps qui arrive ; mais il ne tarde pas à être détrompé et à reconnaître que ce sont des Saxons. Il fait coucher ses hommes, leur recommande de ne pas tirer un coup de fusil et d’attendre l’ennemi à bonne portée. Aussitôt que les Saxons sont à 100 mètres, sur l’ordre du commandant en chef, nos soldats se dressent et ouvrent un feu violent sur les Allemands, qui tourbillonnent et reculent en désordre. Alors Ducrot se précipite à cheval sur le plateau, suivi de tout son état-major, entraînant ses troupes, qui s’élancent la baïonnette en avant. On arrive sur les Saxons, qui plient de plus en plus ; le général en chef, combattant au premier rang, brise son épée sur l’un d’eux. La mêlée est terrible lorsque le feu de Villiers, se rouvrant sur nous, force encore une fois nos troupes à s’arrêter et à se remettre à l’abri derrière les crêtes. Ces efforts sanglans, qui coûtaient déjà cher à l’ennemi, ne s’étaient pas accomplis sans des pertes sensibles pour nous. Des quatre régimens de la division Courty, deux avaient perdu leurs chefs, les colonels Dupuy de Podio et Sanguinetti, qui avaient été tués ; les deux autres colonels avaient été atteints. La plupart des officiers du général Ducrot avaient été blessés ou démontés. Beaucoup d’hommes étaient restés sur le terrain, et la division Courty avait redescendu les pentes assez désorganisée. On tenait toujours néanmoins les bords du plateau de Villiers avec l’aide de la division Berthaut et de l’artillerie qui ne cessait de soutenir le combat.

Nos affaires ne suivaient pas une marche très différente du côté de Champigny. Dès qu’on avait pris le village dans la matinée, on s’était mis en devoir de se porter en avant. La division Malroy, avec la brigade Paturel et la brigade Martenot, composée des mobiles d’Ille-et-Vilaine et de la Côte-d’Or, avait été dirigée vers le « four à chaux, » et par le fait pendant toute la journée elle se trouvait peu engagée. Sur ce point la lutte n’était soutenue que par l’artillerie, par les batteries Fly Sainte-Marie et Buloz, qui appuyaient énergiquement l’attaque de Villiers et l’attaque dirigée