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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/416

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tant peu de substances ont été autant étudiées, essayées, expérimentées. On a examiné dans les plus petits détails les effets du grenage, du lissage, du séchage, des proportions et des qualités spéciales des ingrédiens. Une bonne poudre ne s’obtient pas seulement par le mélange en proportions convenables des composans : chaque phase de la fabrication a son importance, tout concourt à l’effet final. Un exemple frappant fera comprendre combien on se tromperait, si l’on croyait qu’il suffit de mélanger le salpêtre au soufre et au charbon. En l’an IV, dans un moment où on faisait flèche de tout bois, une commission composée de Borda, Pelletier et d’Aboville fut chargée d’étudier les simples mélanges de ce genre. On fit des expériences de tir : la bombe de 10 pouces, avec la charge de 4 kilogrammes, fut lancée, dans trois coups successifs, à 32 mètres, à 1160 et à 77 mètres, tandis que la même charge de poudre véritable portait la bombe à près de 2,800 mètres. Dans un canon de 24, une charge de 4 kilogrammes fusa par la lumière pendant une minute avant le départ du boulet! Il ne faut donc pas s’étonner qu’on ait toujours attaché une extrême importance aux procédés de trituration (par les meules, les pilotis, les tonnes, les presses) et à la bonne confection des grains. Enfin la préparation du charbon, la récolte du salpêtre et du soufre, ont donné naissance à des industries spéciales.

On sait combien l’azote est nécessaire à la végétation, et l’on connaît l’efficacité des nitrates comme engrais : aussi le salpêtre (nitrate de potasse) est-il demandé dans les fermes comme dans les poudreries. On ne le fabrique pas dans les usines, on le retire du sein de la terre, où il se forme spontanément par des réactions mystérieuses et obscures ; tout au plus s’efforce-t-on d’en activer la production par l’établissement de nitrières artificielles, où la terre destinée à la nitrification est abritée de la pluie et arrosée périodiquement avec des lessives de fumier. Depuis le siècle dernier, des quantités notables de salpêtre sont importées en Europe des Indes orientales, et depuis quarante ans le nitrate de soude, qu’on appelle aussi salpêtre du Chili ou du Pérou[1], nous arrive des plaines désertes qui s’étendent au pied de la chaîne des Andes. On y trouve le nitre à la surface du sol, en masses plus ou moins compactes, et les gisemens semblent inépuisables, car on croit avoir remarqué qu’au bout de quelque temps le sel se reforme là où il avait été enlevé. Le port péruvien d’Iquique a pris une telle importance depuis la découverte du nitre dans la province de Tarapaca,

  1. Le nitrate de soude est d’abord converti en nitrate de potasse par un moyen très simple, ensuite on le purifie dans une raffinerie. On en a aussi découvert des gisemens considérables en Prusse et en Galicie.