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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/450

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çons sur le fond de leur pensée et à des qualifications malsonnantes? Il faut le croire, car le discours d’ouverture exhale là-dessus une plante. « Ceux, y est-il dit encore, ceux qu’on appelle ironiquement les socialistes de la chaire ne prétendent pas renverser la science : ils reconnaissent les faits existans; ils ne s’élèvent pas contre la liberté des coalitions, mais ils réclament une enquête officielle sur le problème social, une législation sur le travail dans les manufactures, un inspectorat dans les fabriquer, une banque d’assurances contrôlée par l’état à l’usage des ouvriers. » Suit la nomenclature, et elle est longue, de tout ce que l’état pourrait bien faire encore pour les classes qui vivent d’un travail manuel, des soulagemens à apporter à leurs misères, des institutions de prévoyance et de mutualité dont elles ont toujours éprouvé les bons effets, enfin, quand les grèves éclatent, des calmans qu’il convient de leur administrer pour combattre ces accès intermittens de la fièvre révolutionnaire, — le tout applicable aux provinces originaires comme aux provinces annexées, aux anciens comme aux nouveaux sujets de l’empire.

Tel est ce discours d’ouverture, où se résume la doctrine, si doctrine il y a, de ce que l’on nomme en Allemagne « les socialistes de la chaire. » Ce socialisme a le tort de ressembler à celui qui a prévalu en France dans le cours du dernier règne; il est trop officiel pour réussir auprès des ouvriers. Qui ne se souvient du temps où chez nous aussi l’empereur se présentait aux ouvriers les mains pleines de faveurs, prêt à les répandre sur eux, s’ils consentaient à les recevoir de lui? Aucun de ces essais n’a bien tourné. Les courtisans, qui sont toujours et partout les mêmes, veulent recommencer l’épreuve avec un autre empereur et sur les mêmes données, qui sont celles-ci : un homme gardant le dernier mot, et la raison d’état jugeant tout en dernier ressort. La chance au-delà du Rhin sera-t-elle meilleure? C’est à voir, et dans tous les cas ce ne sera qu’accidentel. Ni les hommes, il est vrai, ni les circonstances ne se ressemblent : l’Allemand est plus maniable que le Français, et l’empereur d’Allemagne a aux yeux de ses peuples un prestige récent qui manquait au nôtre; mais dans tout cela, quelque fond qu’on y fasse, il y a pourtant quelque imprévu. La couronne peut changer de main, la politique et la guerre, jusque-là si heureuses, peuvent dégénérer, enfin les défis successifs jetés à l’équilibre de l’Europe peuvent trouver un terme, et à ce moment, hors de toute influence accessoire, un peu de clarté se fera. Il sera aisé de reconnaître qu’il y a tout avantage à dégager l’état des attributions parasites dont on l’a longtemps surcharge, et qui alimentent, sans profit pour personne, la série de nos assujettissemens et l’échelle