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gime constitutionnel tutélaire et réparateur. C'est là aujourd'hui la question qui se débat au-delà des Pyrénées. Il ne s'agit plus en vérité de savoir ce que deviendra la république, occupée à se tuer elle-même, il s'agit de savoir désormais comment elle sera remplacée.

CH. DE MAZADE.


LA GUERRE DE SUMATRA.

Ce n'est pas un spectacle médiocrement curieux que celui d'un petit peuple de 3 millions 1/2 d'individus, qui au-delà des mers maintient dans une dépend;ince absolue un immense empire d'environ 17 millions d'âmes. Non -seulement cette domination n'entraîne aucune dépense pour la Hollande, mais elle lui assure chaque année des recettes considérables, et l'on a constaté qu'en moyenne les colonies néerlandaises font rentrer tous les ans plus de 54 millions de francs dans le trésor de la mère-patrie. C'est ainsi que les Pays-Bas sont parvenus à développer leur industrie, à entreprendre de vastes travaux publics, à construire un magnifique réseau de chemins de Ter, tout en amortissant constamment leur dette. Le territoire hollandais en Europe ne compte que 640 milles carrés, et l'empire colonial dont les traités de 1814 et de 1824 ont déterminé les limites n'en compte pas moins de 28,923. Partout règne une prospérité exceptionnelle; les cultures sont splendides, l'aspect des routes, des villages, des campagnes, annonce la richesse. Dans l'île de Java, 25,000 Hollandais régissent en demi-dieux l/i millions d'hommes. Dans Tîle de Sumatra, le nom néerlandais n'a pas moins de prestige.

Les deux îles sont moins des colonies que de superbes exploitations qui rapportent à leurs maîtres des bénéfices inusités. Le gouverneurgénéral des Indes néerlandaises, qui réside à Batavia, est une sorte de vice- roi, chef d'une armée et d'une marine coloniale dont plus d'un souverain pourrait se faire honneur. Assisté d'un conseil purement consultatif, qui porte le nom de « conseil des Indes, » et secondé par des directeurs qui sont de vrais ministres, il nomme les fonctionnaires, ordonnance sous sa responsabilité les budgets, et, dans les cas d'urgence, peut déclarer la guerre ou conclure la paix. Chaque province est dirigée par un fonctionnaire hollandais qui, sous le nom de résident, est un préfet armé des pouvoirs les plus étendus. Auprès de lui est un régent indigène qui, tout en étant complètement subordonné au bon vouloir du gouverneur-général, tient une petite cour remarquable par un luxe tout asiatique. Les Hollandais ont respecté les mœurs, les habitudes, les préjugés des indigènes, et au lieu de les heurter dans leurs sentimens religieux, ils ont associé à la domination néerlandaise les prêtres musulmans en les faisant participer dans une certaine mesure aux bénéfices réalisés.