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lonies. Il a déclaré qu’aucune négociation n’était pendante, mais il a ajouté que les rajahs voisins des états du sultan d’Atchin feraient sans doute des efforts auprès de ce prince pour rengager à demander une solution pacifique. La Hollande n’en continue pas moins avec la plus grande ardeur ses préparatifs militaires tant dans la métropole que dans les îles de Java et de Sumatra.


ESSAIS ET NOTICES.

GOETHE, SES DERNIÈRES ANNÉES.


Le nouveau volume de M. Mézières, Goethe, ses dernières années, termine une curieuse étude dont la première partie, quoique publiée peu de temps après la guerre, n’en a pas moins été lue avec le plus sérieux plaisir par tous ceux qui estiment qu’un écrivain de génie appartient non pas seulement à une nation, mais à l’humanité. Ce livre n’est pas une simple biographie; ainsi que l’annonce le sous-titre, les œuvres expliquées par la vie, il s’agit de haute critique littéraire et morale. Ce sujet était en quelque sorte indiqué à l’auteur par Goethe lui-même, qui écrit dans un de ses livres : « Mes œuvres ne sont que les fragmens d’une grande confession. » Toutefois cette confession, bien que réelle, est enveloppée de fictions plus ou moins transparentes, et il est difficile de la retrouver sous les fantaisies poétiques qui font corps avec elle. Goethe ne fait pas comme Lamartine par exemple, qui se contente souvent d’idéaliser un épisode de sa vie; le poète allemand a un système plus savant et des procédés plus compliqués. Il cueille dans ses souvenirs, ici, là, et compose un tout avec des événemens véritables, des sentimens qu’il a éprouvés, mais qui ne sont pas tous du même temps, et qu’il transforme avec art, ainsi qu’il semble le dire à Eckermann : « ce roman ne renferme pas une ligne qui ne soit un souvenir de ma vie, mais il n’y a pas une ligne qui en soit la reproduction exacte. » Sa vie n’est donc pas nettement encadrée dans la fiction, elle y est semée, ou plutôt elle y est coulée et circule en lignes indécises dans cette poésie cristalline, comme les couleurs dans l’agate. Démêler ces élémens divers fondus dans une si habile confusion est une entreprise fort délicate qui devait tenter un esprit fin et pénétrant. M. Mézières a porté dans cette étude, avec une vive admiration pour Goethe, une critique perspicace, et cette parfaite mesure sans laquelle de pareilles recherches biographiques ne sont que des hypothèses sans crédit.

Quelque accomplis que soient les ouvrages de Goethe, le chef-d’œuvre de son art est bien moins tel ou tel de ses livres que sa vie, car c’est bien lui qui la composa et la fit ce qu’elle fut. Il l’arrangea à sa guise autant