transformations lentes, continues, insensibles, en haine de cet esprit impatient (hélas ! nous le connaissons trop) qui croit ne pouvoir assurer sa marche en avant sans tout renverser derrière lui. Cette principauté de Neufchatel avait été dévolue à la maison de Hohenzollern par un héritage qui remontait à deux siècles. Le roi de Prusse avait pour ses sujets de Neufchatel une affection particulière. Le parti conservateur du canton lui inspirait une sorte d’admiration respectueuse et profondément tendre. Il y voyait des types d’honneur, de loyauté, de dévoûment, comme la Prusse n’en connaissait plus. dette comparaison entre les Prussiens et les Neufchatelois, tout à l’honneur de ces derniers, reparaît plus d’une fois dans les lettres du monarque. Comment s’étonner de la vivacité avec laquelle Frédéric-Guillaume IV va juger les événemens de 1847 ? La cause du Sonderbund a beau prendre une apparence catholique, il n’hésite pas, lui, prince protestant, à déclarer qu’il ne s’agit pas ici d’une lutte entre les deux communions, ou plutôt, à l’entendre, catholiques et protestans n’ont qu’un seul intérêt, puisqu’ils sont les uns et les autres en présence d’un ennemi commun, le parti radical, dont la prétention est de déraciner le christianisme dans toute la Suisse.
Nous avons traversé tant de révolutions depuis le Sonderbund qu’il n’est peut-être pas inutile de rappeler en peu de mots l’origine et le caractère de la crise. En 1841, un mouvement radical appelle au pouvoir dans le canton d’Argovie les hommes du parti démagogique. Ce mouvement n’eût pas triomphé, si le canton d’Argovie n’avait pas subi d’influence extérieure ; mais les démagogues de Suisse venaient d’organiser une stratégie presque infaillible : quand ils voulaient s’emparer d’un canton où radicaux et conservateurs se tenaient en échec, ils y portaient les forces de leur parti, convoquées pour cela de tous les points de la confédération. C’est ainsi que le canton d’Argovie, à la date que nous avons indiquée, devint la proie des radicaux. A peine installés au pouvoir, ils suppriment les établissemens religieux. C’était une atteinte flagrante au pacte fédéral, dont l’article 12 garantit « l’existence des chapitres et couvens, ainsi que la conservation de leurs propriétés. » La diète aurait dû réprimer immédiatement cette violation de la loi. Elle ne le fit pas. Que ce fût impuissance ou complicité, peu importe ; les cantons catholiques se sentirent menacés et protestèrent énergiquement. Pour relever le défi du nouveau gouvernement d’Argovie, Lucerne appela les jésuites et leur confia l’éducation de la jeunesse. Cette réplique, imprudente peut-être, était fière et hardie ; elle signifiait chacun chez soi. Les radicaux de toute la Suisse, ceux qui méprisent l’indépendance des cantons et prétendent imposer leurs doctrines au pays tout entier, ne se bornèrent