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tout pardonner. » Lui aussi, parce qu’il comprendra tout, il pardonnera tout, ou plutôt (car il ne peut être question de pardon là où il n’y a pas de volonté coupable), il justifiera tout ; il étendra sur l’universalité des actes humains la grande amnistie scientifique qu’une physiologie plus éclairée lui impose, chaque acte, quel qu’il soit, étant l’expression également légitime de l’universelle nécessité.

Telles sont les conclusions avouées et parfaitement logiques de l’école. MM. Büchner et Moleschott font même de ces idées l’objectif principal de leurs publications populaires. On demande, avec un accent de philanthropie indignée, quelle est la liberté du choix et par conséquent la responsabilité dans l’homme né avec une organisation vicieuse, quelle différence il y a entre lui et l’aliéné, et par quelle atroce aberration de jugement la société lui imprime une flétrissure. On déclare bien haut que le plus grand nombre des crimes contre l’état ou la société sont le résultat nécessaire d’une disposition naturelle ou d’une débilité intellectuelle. « A quoi sert le libre arbitre à celui qui vole, qui assassine par nécessité ? Les criminels, à vrai dire, sont pour la plupart des malheureux plus dignes de pitié que de mépris. » — Étant admises les données du raisonnement, un seul mot m’étonne, c’est celui qui marque une restriction dans la conclusion : la plupart des criminels, dit-on, pourquoi pas tous ? — On nous prédit l’avènement d’une nouvelle législation en conformité avec la science nouvelle de l’homme. Il faudra de toute nécessité qu’elle s’adapte réellement aux lois de la nature, et, ce progrès une fois accompli, on peut prévoir à coup sûr que les procès de l’époque actuelle paraîtront à nos descendans quelque chose d’aussi barbare que les procès criminels du moyen âge. Un de nos plus célèbres médecins faisait naguère un éloquent appel au savant qui ne peut manquer de venir un jour et qui nous montrera « à quelles conditions primordiales de l’organisme se lient le crime et le vice, qui sont comme la diathèse et la maladie morale, — pourquoi les influences éducatrices les mieux dirigées n’en peuvent toujours préserver, pas plus que l’hygiène ne décide à elle seule de l’éclosion ou de l’avortement des germes morbides innés. » Il ne reculait pas, comme tant d’autres, devant ses conclusions. « Elles ne vont à rien moins, ajoutait-il, je le sais, qu’à reléguer hors de toute appréciation judiciaire les problèmes délicats, complexes, souvent insolubles, de la responsabilité. » Un autre savant de la même école dit plus simplement encore que nous ferions bien de ne juger et de ne condamner personne. C’est le dernier mot de la doctrine, celui que laissent toujours échapper à un moment donné les enfans terribles de la secte.

Voilà le point commun vers lequel convergent toutes les théories