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intervient un médiateur entre l’offenseur et l’offensé ; qu’il tire ce droit d’intervention de l’obligation générale qui pèse sur tous les hommes de s’assister mutuellement dans la mesure du bien et de la justice, ou de quelque obligation spéciale contractée envers l’offensé, ou d’un pacte quelconque convenu entre les hommes, ou d’un certain caractère public, officiel, peu importe, ce droit existe, il n’est pas contestable. Ce droit d’intervention vaut déjà beaucoup mieux : il protège le faible aussi bien que le fort ; puis il est exercé par un être qui n’y porte aucune passion personnelle, ce qui rend plus probable que l’emploi de la force sera renfermé dans ses véritables limites. Toutefois ce droit lui-même, c’est toujours la guerre, et la guerre cesse contre un ennemi désarmé. Le droit de défense, réduit à lui-même, n’existe pour la société aussi bien que pour l’individu qu’aussi longtemps que la société ou l’individu ont à se défendre. — Tout autre et bien supérieur est le droit social de la pénalité. Il prend son point de départ dans le droit de défense, mais il le dépasse. Sans prétendre exercer une sanction absolue, il applique une sanction relative de la justice, en tant que cela est nécessaire pour le maintien de la paix publique. Il se transforme en droit de punir. Le but de la punition est le même que celui du droit de défense ; mais combien il a plus d’extension, plus de portée, plus d’efficacité ! La punition commence quand l’acte est consommé ; elle s’exerce pour prévenir non celui-là mais d’autres semblables. Elle n’est pas personnelle à celui qui l’exerce, et qui n’est ici que le mandataire désintéressé de la justice sociale. Elle poursuit deux fins distinctes : en premier lieu, comme moyen d’éducation, elle doit tendre à l’amélioration du coupable ; en second lieu, comme moyen de répression, elle doit tendre à maintenir la paix et le bon ordre, c’est-à-dire l’accord des libertés entre elles.

Voilà bien le droit de punir avec ses caractères authentiques, incontestables. Ainsi expliqué, qui donc pourrait ne pas le reconnaître comme aussi légitime que le droit de défense et de conservation sociale, dont il n’est d’ailleurs que la transformation ? Dès lors pourquoi donc avoir peur d’un mot ? le trouve cette crainte, à mon avis fort exagérée, dans tous les passages où M. Fouillée parle de la pénalité. le retrouve, non. sans étonnement, la même crainte dans l’excellent et substantiel petit traité de M. Franck sur la Philosophie du droit pénal. Le savant auteur de ce livre, plusieurs années avant M. Fouillée, avait entrepris de ramener la pénalité au droit de conservation sociale, la considérant comme un moyen de défendre la liberté individuelle et le développement des facultés de l’homme, et la réduisant dans ses dernières explications au droit de légitime défense ; mais, comme il y fait entrer à titre d’éléments