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veulent voir la légitimité de la peine que dans son utilité pour celui qui la subit, dans sa vertu corrective. C’est encore là il est vrai, un des effets possibles de la peine, mais non pas son fondement, car pour que la peine corrige, il faut qu’elle soit acceptée comme juste. La société frappe le coupable ; elle ne le peut que parce qu’elle le doit. Le droit ici n’a d’autre source que le devoir, sans quoi ce prétendu droit ne serait que celui de la force, c’est-à-dire une atroce injustice, quand même elle tournerait au profit moral de qui la subit et en un spectacle salutaire pour le peuple, — ce qui ne serait point, car alors la peine ne trouverait aucune sympathie, aucun écho, ni dans la conscience publique, ni dans celle du condamné. » — C’est toute la théorie de M. Cousin. Nous demandons s’il a rien là qui ressemble à l’idée de l’expiation, s’il y a autre chose que le plus ferme bon sens exprimé avec une rare éloquence ?

Il résulte de ce rapide examen que, pour constituer une théorie exacte et complète de la pénalité, il faut renoncer à vouloir la fonder sur un principe unique et tout ramener à une raison élémentaire. Nous avons essayé de montrer le vice des solutions trop simples en sens contradictoires. Non, la pénalité sociale n’est pas un équivalent de l’expiation, bien que l’idée de la sanction n’en soit pas absente, et que le principe de la justice y préside. La pénalité diffère de l’expiation en ce qu’elle ne prétend pas rétribuer le mal par le mal, en ce qu’elle ne se donne pas comme une délégation de la justice absolue, enfin en ce qu’elle atteint non pas le crime intérieur des consciences, mais seulement le crime objectif, l’acte matériel, l’attentat social. Elle n’est pas davantage, elle est encore moins la vindicte publique, expression atroce qui dénature par l’idée de la passion la notion désintéressée de la justice et de la garantie. Contre ces théories mystiques de la peine, les nouvelles écoles naturalistes et utilitaires s’élèvent avec raison ; mais à leur tour, quand elles veulent définir leur principe, elles ne sortent pas des expédiens, qui ne font que déguiser sous des noms pompeux le droit de la force. Et comment en serait-il autrement, puisque ces écoles sont condamnées par leur méthode à ne pas s’élever au-dessus des notions empiriques du besoin individuel ou de l’intérêt du plus grand nombre ? Rien de tout cela ne constitue et n’engendre un droit, pas même celui de la défense. Ce droit ne commence qu’avec l’idée des libertés individuelles et des personnalités inviolables à garantir contre la violence ou la ruses mais ce droit lui-même, véritable origine de la justice, se généralise et se transforme en se transférant de l’individu à la société, qui devient médiatrice entre l’offenseur et l’offensé, juge du délit, arbitre de la peine. Voilà le principe et l’origine vraie de la notion de pénalité. Elle