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rapprochée du trône, et alors commença pour elle une destinée qui n’est pas sans analogie avec celle qu’avait eue au siècle précédent la maison de Bourgogne, mais qui eut un dénoûment plus heureux. Il ne faut pas demander si cet énorme agrandissement de rôle entraîna quelque négligence pour les petites affaires du Bourbonnais. Les ducs eurent dès lors bien d’autres soucis que l’achèvement de la collégiale de Moulins, et leur conversion au protestantisme n’était point faite pour leur rappeler les intérêts des temples catholiques. D’ailleurs, à partir de François Ier ils résidèrent peu dans leurs domaines héréditaires ; ballottés qu’ils sont par les hasards de la guerre et les nécessités de la politique, on les rencontre en tous lieux excepté en Bourbonnais, où on ne les voit venir que de loin en loin pour célébrer quelque fête de mariage ou faire quelque rapide apparition qui ressemble à une visite de bon souvenir. Les habitans de Moulins, privés par les événemens de la tutelle de leurs ducs, se trouvèrent donc réduits à leurs propres ressources pour achever leur collégiale ; mais, soit que ces ressources fussent trop petites, soit qu’il y eût dans leur caractère une certaine lenteur et une tendance à l’apathie, il ne semble pas qu’ils aient jamais songé sérieusement à terminer cet édifice. Et voilà comment la cathédrale de Moulins se trouve composée simplement d’une abside, d’un chœur et de deux travées de nef.

Elle n’a pas besoin d’être plus complète pour être charmante ; seulement elle n’est que charmante. Produit d’un art à son agonie et qui dès longtemps a dit ce qu’il avait d’essentiel à dire, il ne faut lui demander ni la sublimité, ni le caractère mystique des églises de la belle période gothique ; mais à défaut de sublimité elle a l’attrait, et à défaut de hauteur religieuse il y circule un souffle de tout aimable piété. Coucher de soleil gothique, elle est éclairée par un crépuscule lumineux et doux qui est en parfaite harmonie avec ce brillant déclin. Ce détail vaut d’être remarqué, car à partir de Nevers on commence à entrer dans la région des églises sombres, et plus on approche de l’Auvergne, plus ce caractère s’accentue. Quelles ténèbres que celles des églises de Bourbon-l’Archambault et de Gannat par exemple ! Notre-Dame de Moulins ne peut se vanter non plus ni d’une grande beauté, ni même d’une grande harmonie ; ces colonnes manquent de vol, ces voûtes latérales manquent d’élan, et en observant un peu on remarque que le dessin de l’abside n’est qu’un ingénieux trompe-l’œil, qu’il se compose d’une simple ligne droite qui fait semblant de s’arrondir en ovale ; mais que ces piliers sont de taille élégante ! comme les arcs qui vont se détachant de leur sommet sont d’un dessin net et pur ! Quel admirable parti le vieil architecte qui construisit l’édifice a su tirer de cette plate ligne droite qui passe derrière le chœur, et