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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/578

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nous a révélé la noble origine, les chiffres entrelacés d’Anne de France et de Pierre de Beaujeu. Le Florentin Ghirlandajo, dont on rencontre la trace en plusieurs endroits du Bourbonnais, et dont l’église d’Aigueperse notamment, sur la frontière d’Auvergne, possède une Nativité d’un original sentiment de piété, a passé par ici, et c’est sur ses dessins qu’ont été peintes les verrières du chœur. Celles des chapelles sont d’un tout autre caractère. Bien qu’appartenant à la même époque, elles ne sacrifient pas au même point à la nouveauté et à la mode, et gardent quelque chose de plus traditionnel tant dans la composition que dans l’expression. Un reste de naïveté et de piété gauloises s’y laisse lire encore, et la beauté, la savante ordonnance, sont moins ce qu’elles cherchent que l’édification et la vérité. On dit, bien que rien ne le prouve d’une manière authentique, que quelques-uns de ces vitraux ont été peints d’après des dessins d’Albert Dürer ; ce fait, s’il est réel, suffit amplement pour expliquer ce caractère de vérité, ce reste précieusement conservé de la sainte gaucherie des temps antérieurs, et aussi certaines hardiesses énigmatiques sur lesquelles nous allons revenir tout à l’heure. Plusieurs de ces vitraux ont en outre une importance historique, car ils nous présentent les portraits des anciens princes de Bourbon, notamment ceux du duc Jean II et du duc Pierre de Beaujeu. Ces visages se distinguent par quelque chose de fort, de solide, de sensé plutôt que de brillant ; celui du vieux Jean II, le duc de Bourbon de la ligue du bien public contre Louis XI, est particulièrement remarquable par des yeux où luit un feu de redoutable, énergie, feu concentré et un peu sombre, sans flammes ni clarté. La beauté physique proprement dite, le charme et la grâce des traits y sont à peu près absens, et l’on pourrait faire aisément, à propos de cette première lignée des Bourbons, la même remarque que nous avons déjà faite à propos des Valois directs. De même que c’est la branche d’Angoulême qui a porté la beauté dans la maison de Valois, ce sont les branches de Montpensier et de Vendôme qui ont porté la beauté dans la maison de Bourbon. La preuve en est dans le personnage du petit prince de Montpensier que l’on voit dans un de ces vitraux à côté de Pierre de Beaujeu. Ce jeune Montpensier est, si le ne m’abuse, le fils aîné de ce duc de Montpensier à qui Charles VIII confia le gouvernement de Naples à sa sortie d’Italie, et qui y fit une si triste fin. C’est une aimable figure, noblement spirituelle, d’une gentillesse un peu bizarre, où se révèlent une vie imaginative précoce et une sensibilité certaine. C’est cette même vie imaginative, mais cette fois sans rien de la même délicatesse et de la même suavité, que nous rencontrons portée à sa dernière puissance et dans tout son épanouissement sombre sur le visage de son frère, le terrible connétable, maigre