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vues du prince de Metternich, a tenant à laisser le sultan proposer de son propre mouvement un plan de pacification, » et les idées plus larges d’un ministre que le diplomate autrichien accusait hautement de vouloir, dans son extravagance, « déchaîner encore une fois la révolution sur le monde. »

Involontairement ou à dessein, le prince de Metternich exagérait beaucoup la portée de la convention de Saint-Pétersbourg. George Canning, tout en ratifiant le 15 mai le protocole signé le 4 avril par lord Wellington, n’avait pas cessé de protester contre l’emploi éventuel de mesures coercitives. Dépouillé de cette sanction, le traité ébauché était encore « un enfant mort-né, un coup d’épée dans l’eau. » Il pouvait profiter à la Russie ; il n’était d’aucun secours pour la Grèce. La Russie y trouvait en effet un appui pour ses prétentions, la Grèce continuerait d’être impunément ravagée par les troupes d’Ibrahim en Morée, par celles de Reschid-Pacha dans l’Attique.

Malgré les ménagemens qu’on semblait vouloir garder envers lui, le sultan n’en fut pas moins profondément blessé. Tant qu’il ne s’était agi que de rétablir le statu quo de 1821 dans les principautés, de mettre en liberté les députés serbes retenus à Constantinople comme otages, d’envoyer des plénipotentiaires à la frontière russe, il avait pu faire plier son orgueil devant les difficultés du moment : l’Autriche elle-même n’avait point hésité à lui en donner le conseil ; mais à peine s’était-il résigné à satisfaire le tsar, qu’il se trouvait exposé à subir de la part de l’Angleterre l’affront de propositions bien autrement graves et bien autrement offensantes. La Russie ne réclamait après tout que l’exécution d’un ancien traité ; les exigences de M. Minciaky, chargé de présenter au reïs-effendi l’ultimatum du tsar, ne portaient nulle atteinte aux droits du souverain. Sir Stratford au contraire venait demander à l’héritier et au représentant du prophète « de reconnaître le droit de raïas insurgés à une existence politique indépendante. » Eût-il voulu céder à une pareille requête, le sultan Mahmoud n’en aurait pas eu le pouvoir : jamais les ulémas n’auraient ratifié sa faiblesse. Sur un pareil terrain, le prince des croyans se trouvait arrêté par une véritable impossibilité morale. L’avertissement cependant n’était pas à dédaigner. Longtemps malveillans en secret, les rois chrétiens levaient enfin le masque. Ils complotaient dans leurs conciliabules la ruine et l’humiliation de l’empire. Que manquait-il donc aux armées ottomanes pour qu’elles pussent sans délai châtier cette insolence ? Il leur manquait « la discipline sévère, la tactique savante, » qui faisaient, à la honte de l’islam, la force et la supériorité des armées infidèles. « De misérables Grecs, faibles roseaux qu’eût balayés