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reste confié à la garde des : émirs et de leur chef, le nakib-al-echraf. Le grand-vizir, les ministres et la magistrature font dresser leurs tentes sur la place de l’hippodrome.

II.

Le grand-seigneur avait voulu prendre lui-même le commandement de ses troupes fidèles, et marcher en personne contre les insurgés. Ce n’était qu’avec peine et en se jetant à ses pieds que ses ministres étaient parvenus à le détourner de ce dessein. Sa hautesse avait alors déclaré apostats et impies tous ceux qui avaient pris part à la révolte. Elle avait prononcé l’anathème contre l’odjak des janissaires et décrété la destruction de ce corps si longtemps redouté. Il ne restait plus qu’à mettre cette menace à exécution. Dès que les préparatifs d’attaque sont terminés, l’aga-pacha Hussein, Mohammed-Izzet et le topchi-bachi marchent de l’hippodrome vers l’Et-Meïdane. Les vedettes des insurgés reculent. À midi, l’aga-pacha était maître de l’hôtel du janissaire-aga et du quartier de La Sulimanié. L’Et-Meïdane ne tarde pas à être cerné de toutes parts. Les artilleurs mettent leurs pièces en batterie. Quelques coups de canon suffisent pour briser les barricades. La mitraille oblige les rebelles à se réfugier dans leurs casernes. Là ils résistaient encore. « D’ordre de sa hautesse, le feu est mis aux étaux des bouchers ; » il envahit en quelques instans les klchlas (les casernes). Vers trois heures de l’après-midi, d’épais tourbillons de fumée annoncent au sérail que les séditieux ont vécu. Le moufti avait défendu de faire aucun quartier aux rebelles. Cette sentence ne fut que trop fidèlement respectée : ni les prières ni la résignation ne sauvèrent un seul des malheureux qui tombèrent vivans entre les mains des vainqueurs. Les vingt-quatre portes de Constantinople avaient été fermées, et sur la place de l’hippodrome le grand conseil de guerre siégeait en permanence. À chaque instant, on amenait devant ce tribunal quelque janissaire qu’on venait de saisir ; les juges constataient son identité et le livraient sur-le-champ au bourreau. Le drogman de l’ambassade de France, envoyé à Stamboul pour y solliciter la grâce de deux janissaires arrachés du palais de Thérapia, où ils avaient cru trouver un asile, vit en moins d’une heure seize exécutions se succéder sous ses yeux. « Au train dont allait le cordon, » le drogman jugea bien qu’il n’avait pas une minute à perdre. Il se mit à la recherche de l’aga-pacha et finit par le rencontrer dans la cour de La Sulimanié. Le généralissime était en ce moment de la meilleure humeur. Il accueillit sans trop se faire prier la requête de notre interprète. « Il faut bien