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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/730

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des impatiences ou des manifestations plus propres à l’embarrasser qu’à le fortifier.

Quelle est la vérité après tout ? Une situation a été créée le 24 mai, elle est ce qu’on pourrait appeler l’œuvre capitale, de la session dernière. Cette situation a trouvé sa garantie et son expression dans cette alliance d’une majorité parlementaire et d’un gouvernement nouveau que M. le président de la république rappelait et constatait hier encore. De plus, elle s’est établie sans contestation sérieuse, elle est le régime légal de la France. Que cet ordre nouveau, sorti d’une lutte parlementaire, ait été vu tout d’abord avec surprise ou avec chagrin par ceux qui ont cru jusqu’au bout un rapprochement possible, nécessaire entre toutes les fractions modérées de l’assemblée et l’ancien gouvernement, ne fût-ce que pour ne pas diviser des forces qui étaient la garantie du pays, c’est le fait le plus naturel. Que le régime nouveau créé le 24 mai puisse avoir ses faiblesses et ses périls par suite des circonstances mêmes qui lui ont donné la vie, et des combinaisons qui après en avoir assuré le succès peuvent le compromettre en lui imposant une onéreuse protection, c’est là encore une particularité qui n’a rien d’imprévu, dont on peut tenir compte en suivant dans ses développemens la politique qui a été inaugurée ; mais c’est une singulière méprise des partis de croire que, devant une transformation si profonde, quoique parfaitement légale, et dans la situation exceptionnellement grave où est la France, on puisse procéder comme dans les conditions les plus ordinaires, en faisant une guerre de système et de prévention acrimonieuse, en multipliant les querelles stériles, en entourant un gouvernement qui est après tout le gouvernement de la nation de soupçons et d’ombrages, en torturant les actes, les intentions et les pensées. Nous n’en sommes pas là. À ce jeux périlleux, on n’intéresse plus guère le pays, on le laisse indifférent et on risque de le dégoûter par l’éternelle banalité des griefs, par la monotonie d’une opposition déclamatoire. On ne diminue pas les majorités, on les fortifie et on les grossit quelquefois. On vient même assez souvent en aide à ceux qu’on attaque, en leur donnant des armes et en s’exposant à des représailles qui ne sont pas toujours sans danger.

À quoi donc a servi l’interpellation de M. Jules Favre, cette interpellation mise en avant, puis à demi retirée, puis maintenue plus que jamais ? Elle n’a eu d’autre effet que d’amener un de ces débats sans précision et sans issue, où le ministère n’a eu aucune peine à obtenir un succès complet, justement parce que c’était une impatience d’opposition systématique et prématurée. Qu’on voulût avant la prorogation de l’assemblée demander quelques explications au gouvernement sur les caractères et les tendances de sa politique intérieure, soit, on le pouvait sans doute, quoique ce fût au fond assez superflu. Rien n’était plus simple que de vider la question dans une de ces conversations comme il y en a quel-