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naturelles, quoique bien différentes de la Russie proprement dite. Dans l’intervalle entre les contre-forts des Karpathes et l’Oural s’étend une région d’une analogie de climat, d’une monotonie de structure, impossible à rencontrer à pareil degré sur de pareils espaces. De l’énorme muraille du Caucase à la Baltique, cet empire, à lui seul presque aussi grand que le reste de l’Europe, présente dans ses nombreuses provinces moins de variété que les nations occidentales dont le territoire est dix ou douze fois plus petit. C’est l’uniformité de la plaine. L’ouest est plus tempéré, plus européen, l’est plus aride, plus asiatique ; le nord est plus froid, le sud est plus chaud ; mais, sans abri contre les vents du nord, le sud ne peut différer de lui par les aspects et la végétation d’une manière aussi frappante qu’en France, en Espagne ou en Italie. La Russie a des étés ; au nord du Caucase, on pourrait dire qu’elle n’a point de midi.

Dans cette unité fondamentale, à travers cette homogénéité de climat et d’aspects, se présentent cependant plusieurs régions marquées avec une singulière netteté par la nature elle-même, et dont la connaissance est la première condition de toute étude des ressources actuelles ou futures de la Russie. De ces régions, distinctes par un ensemble de caractères spéciaux et comme par une vocation physique, une énumération complète et minutieuse devrait bien compter dix ou douze ; un examen général peut les ramener dans une vue d’ensemble à deux grands groupes, deux grandes zones embrassant toute la Russie d’Europe[1]. Toutes deux également plates, avec un climat presque également extrême, ces deux zones, à travers leurs analogies, présentent le plus singulier contraste. Pour le sol, pour la végétation, pour l’humidité, pour la plupart des conditions physiques et économiques de la vie, leurs différences vont presqu’à une complète opposition. Superposées l’une à l’autre selon la latitude, ces deux régions, en laissant de côté les extrémités inhabitables du nord, se partagent l’empire russe, le coupant par le milieu de l’ouest à l’est et toutes deux franchissant l’Oural pour se prolonger en Asie. L’une est la région des forêts, des polessia, l’autre la zone déboisée, la zone des steppes. La première, la plus vaste en même temps que la plus homogène, occupe tout le nord et la plus grande partie du centre de la Russie en s’abaissant vers l’ouest jusqu’à Kief. A

  1. Pour une étude détaillée des différentes régions de la Russie par rapport à la nature et à la population, nous renvoyons au savant travail de M. Séménof, chef du bureau de statistique de l’empire, dans le Statistitcheski Vréménik de 1871 : Nasélennost Evropeiskoï Rossii v’zavisimosti ot pritchine obouslovlivaioustchikh rasprédilénié natéléniia Imperii.